les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
— Pour le moment, je vous fais grâce et vous renvoie. Si vous
venez encore m’importuner, je demanderai un décret impérial, et
alors vous pourrez vous regarder comme un homme mort !
En entendant prononcer le mot de grâce, Tchang-în se leva
promptement en s’appuyant sur ses mains.
— Après l’avanie sanglante que j’ai reçue aujourd’hui, dit-il,
comment voulez-vous que je vienne encore vous importuner ?
— Vous n’avez pas reçu d’avanie, dit à son tour Ling-kiang-sioué.
Vous étiez venu sans avoir une goutte d’encre dans la tête 572 ,
mais en revanche, vous en remportez plein votre figure !
Comment pouvez-vous dire que vous avez reçu une avanie ?
A ces mots, Chân-taï ne put s’empêcher de rire à gorge déployée.
Tchang-în, profitant de cette circonstance, descendit rapidement du
pavillon. Dès qu’il fut arrivé au bas, plusieurs domestiques accoururent
au-devant de lui. Voyant p.561 qu’il n’avait plus figure humaine, ils lui
essuyèrent le visage avec leur vêtement ; mais ils eurent beau
l’essuyer, comme l’étoffe n’avait pas été humectée auparavant, sa
figure conserva encore des marques d’encre qu’on n’avait pu lui enlever.
Tchang-în, qui ne pouvait s’en apercevoir, se précipita dehors en
tenant sa figure entre ses mains. Comme il avait honte de se présenter
de nouveau devant Chân-hiên-jîn, il se dispensa d’aller dans le salon de
derrière. Il suivit un petit chemin latéral et disparut comme un éclair,
par la porte principale. Son esprit étant devenu un peu calme, il
s’abandonna à ses réflexions.
— Tout à l’heure, dit-il, elle m’a appris que celui qui a composé à
ma place était arrêté ; c’est sans doute Song-sîn qu’on aura pris.
Pour moi, me voilà en liberté ; mais je ne sais ce que devient
Song-sîn.
A peine avait-il fait quelques pas, qu’au détour du chemin, il aperçut
Song-sîn qui, dressant les oreilles et allongeant le cou, était là à faire le
guet.
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