les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
— Monsieur, reprit la jeune fille en levant les mains, puisque
vous désirez composer, veuillez vous asseoir.
P’ing-jou-heng ayant retourné la tête, vit, au côté oriental du
pavillon, un fauteuil et une table qui était garnie de papier, de pinceaux,
d’encre et d’une pierre à broyer. Il alla promptement s’asseoir, et
prenant un pinceau : « J’ai deviné, dit-il, le motif qui empêche
mademoiselle de venir ; je suis sûr que c’est pour cacher son peu
d’habileté. » A ces mots, il laissa courir son pinceau et écrivit les vers
suivants :
On peut étaler une vaine réputation, mais comment feindre le
talent ?
Dans les profondeurs d’un gynécée, serait-il possible qu’on
cachet des perles ?
S’il faut que nous luttions ensemble dans l’arène de la poésie,
Il est à craindre qu’une jeune fille aux fins sourcils ne puisse me
tenir tête.
P’ing-jou-heng ayant fini d’écrire ces vers, les lut lui même une fois,
puis, s’adressant aux servantes :
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— Prenez ces vers, dit-il, et allez les lui montrer. Si elle ne peut
venir à bout de les déchiffrer, je vous les lirai.
Les servantes prirent les vers et les remirent à la jeune fille.
Celle-ci les ayant lus une fois, prit un pinceau sans mot dire, le
promena sur le papier avec une facilité extrême, et, en un clin d’œil,
elle acheva quatre vers sur les mêmes rimes. Elle chargea ensuite les
servantes de les porter à P’ing-jou-heng. Celui-ci, dans ce moment,
baissait la tête et songeait encore aux beautés de ses propres vers,
lorsque soudain, en levant les yeux, il vit les vers qu’on avait placés
devant lui, mais il se figura que c’étaient ses premiers vers que la jeune
fille lui renvoyait, faute de pouvoir les lire.
— Je disais bien, s’écria-t-il en riant, que vous ne pourriez venir
à bout de lire mes vers ; donnez-les-moi, je vais vous les lire.
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