les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
— Monsieur, répondit la jeune fille vêtue de bleu, puisque vous
vous flattez d’avoir du talent et que vous p.507 êtes venu pour
vous mesurer avec ma maîtresse, mille paroles ne doivent point
épuiser votre verve, dix mille mots ne doivent pas arrêter votre
essor. Comment se fait-il qu’après avoir vu les expressions
vulgaires des deux pièces de vers de votre humble servante,
vous vous livriez à une admiration aussi exagérée ? Il paraît que
le talent de Kiang-yên 501 est à bout, et que Tseu-kiên 502 ne peut
aller au delà du septième pas !
— Charmante demoiselle, lui dit Yên-pé-hân, j’ai sans doute
mérité vos railleries. Mais en venant voir votre noble maîtresse,
je n’avais d’autre but que d’admirer son talent ; je n’ambitionnais
ni les richesses, ni les honneurs, ni la réputation. Si aujourd’hui
je ne reconnaissais pas votre valeur héroïque, et que je voulusse
absolument admirer la réputation du prince de Weï 503 , ce serait
être aveugle. Bien que mon chétif talent ne mérite point d’être
comparé au vôtre, je me suis nourri avec ardeur de littérature,
mais je n’ai jamais appris qu’au-dessus du mont Thaï-chân 504 , il
y eût un p.508 autre Thaï-chân, et qu’au delà du vaste Océan, il y
eût encore un vaste Océan. Chez vous, le talent de secrétaire est
arrivé à son apogée, et parmi les personnes d’un grand talent
vous êtes comme le mont Thaï-chân et le grand Océan. Serait-il
possible que quelqu’un l’emportât sur vous ? La haute réputation
de talent qu’on accorde partout à mademoiselle Chân est sans
doute rehaussée par le talent merveilleux de son secrétaire
(c’est-à-dire par votre talent).
En achevant ces mots, il écrivit les vers suivants :
Si mon talent était épuisé, je n’aspirerais pas à votre affection.
Les vers élégants de la jeune beauté sont vraiment dignes
d’arriver à la postérité.
Puisque la racine du lotus peut offrir un aliment savoureux 505 ,
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