les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
— Veuillez, dit-elle, examiner ces vers ; quand vous aurez fini, je
vous ferai part d’un doute qui me reste.
Après les avoir lus, Ling-kiang-sioué se répandit en éloges infinis.
— Ces messieurs Tchao et Tsiên, dit-elle, ont tous deux un
magnifique talent ; ils peuvent vraiment aller de pair. Ce n’est
pas pour nous vanter, mais à l’exception de vous et de moi, il n’y
aurait personne qui pût leur tenir tête. Maintenant, mademoiselle,
je vous prierai de me communiquer vos doutes.
— Quand ce jeune homme eut vu ces expressions de votre petite
sœur (de moi) : « Une seule chanson a une double pause ;
pourriez-vous l’imiter ou non ? » il eut une distraction, et s’écria
en frappant la table : « P’ing-jou-heng, tu as rencontré
aujourd’hui un adversaire redoutable ! »
En l’entendant prononcer ce nom, je lui demandai p.532 pourquoi,
portant déjà le nom de Tsiên, il s’appelait encore P’ing-jou-
heng ; il parut vivement ému, et dans son trouble, il tâcha de me
donner le change. J’ignore ce qu’il en est, mais peut-être que ce
jeune homme est précisément P’ing-jou-heng ; autrement,
comment trouverait-on dans l’empire tant d’hommes de talent ?
— Comment est-il de sa personne ? demanda Ling-kiang-sioué ?
— Il peut avoir environ vingt ans, répondit Chân-taï ; sa figure
est dorée comme les graines de courge, ses deux sourcils fuient
obliquement vers ses tempes, ses yeux brillent comme les étoiles
du printemps, et sa taille est svelte et élancée. Bien qu’il paraisse
trop faible pour porter ses vêtements, l’élévation de son âme et
l’énergie de son caractère, lui donnent l’air altier et majestueux
de la cigogne.
— D’après ce que vous dites, repartit Ling-kiang-sioué, c’est
justement P’ing-jou-heng ; mon unique regret est de ne pas
l’avoir vu ; si je l’eusse vu, ç’eût été pour moi une merveilleuse
rencontre.
424