les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
— Que dites-vous du talent et de l’instruction de votre jeune
homme ? lui demanda-t-elle : comment vous êtes-vous tirée de
votre concours ?
— Ce jeune homme est doué d’un véritable talent, répondit Ling-
kiang-sioué ; une autre à ma place aurait bien pu être terrassée
par lui.
Prenant alors les trois pièces de son concurrent et les quatre qu’elle
avait composées sur les mêmes rimes, elle les présenta à mademoiselle
Chân.
— Veuillez, dit-elle, examiner ces vers ; vous saurez de suite à
quoi vous en tenir.
Mademoiselle Chân les ayant lus avec attention, un rayon de joie brilla
sur son visage :
— Mademoiselle, lui dit-elle, depuis que j’ai obtenu la
bienveillance de l’empereur, il y a déjà cinq ou six ans que
j’examine, sur la poésie et la prose élégante, tous les écrivains
de talent que possède l’empire, et le nombre que j’en ai vu n’est
pas mince, mais les uns p.531 étaient des lettrés aussi sots que
pédants, les autres des écrivains rouillés ou superficiels. Je n’ai
jamais rencontré deux jeunes gens qui eussent un talent
poétique aussi pur et aussi distingué que ceux-ci : ce sont
vraiment les coryphées de notre époque.
— A en juger par vos paroles, reprit Ling-kiang-sioué, j’imagine
que M. Tsiên, avec qui vous avez concouru, est aussi un homme
de talent.
— Non seulement il a du talent, répondit mademoiselle Chân,
mais son talent n’a rien d’ordinaire. Il faisait voler son pinceau
sur le papier, et peu s’en est fallu que je ne pusse lui répondre
sur les mêmes rimes.
Elle prit alors les trois quatrains du jeune homme, avec les quatre
qu’elle avait composés elle-même, et les présenta à Ling-kiang-sioué.
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