les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
ce n’est plus pour moi qu’un de ces objets vagues et obscurs qui
échappent à la vue. Vous même, monsieur, vous n’avez pu
trouver les traces de votre Ling-kiang-sioué. Si nous continuons
à errer ici, ce sera peine perdue. Ajoutez à cela que, ces jours
derniers, la jeune servante m’a dit clairement dans ses vers :
« Si vous cherchez un pilon de jade dans la gelée bleue 579 , il faut
que vous détachiez du trône impérial des (flambeaux ornés de)
lotus d’or 580 . » Maintenant le concours pour la licence n’est pas
éloigné ; il vaut mieux nous en retourner pour acquérir du mérite
et p.573 de la réputation. C’est alors que nous pourrons nous
enquérir une seconde fois du pont azuré 581 , et peut-être qu’une
circonstance heureuse viendra seconder nos vœux 582 .
— Vos observations sont fort justes, lui dit P’ing-jou-heng, mais il
est à craindre qu’à notre retour la belle personne n’ait disparu, et
que Yun-ing ne soit allé trouver P’eï-hang 583 au milieu de ses
songes.
— Mademoiselle Chân a maintenant seize ans, reprit Yên-pé-hân ;
elle peut encore attendre l’époque du mariage 584 . Ajoutez à cela
que, dans tout l’empire, il n’y a que fort peu d’hommes riches et
nobles qui soient doués de talent : comment pourrait-il surgir
tout à coup un P’eï-hang 585 .
— D’après vos observations, dit P’ing-jou-heng, mademoiselle
Chân peut encore attendre l’époque du mariage, mais je crains
que ma Ling-kiang-sioué ne le puisse pas ; dans ce cas, il faut
nous en retourner au plus vite.
Après avoir arrêté leur projet, les deux amis burent encore quelques
tasses de vin ; puis ils se levèrent et s’en revinrent dans leur hôtellerie.
Ils ordonnèrent alors à un p.574 domestique de préparer leurs bagages
et de louer une chaise à porteurs et des chevaux. Le lendemain, de
grand matin, ils quittèrent la ville et partirent. Tout le long de la route,
ils allaient en causant et riant, sans se donner beaucoup de fatigue.
458