les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

p.546
Les deux jeunes filles lettrées
Sachez bien que moi, le seigneur Tchang, je possède un véritable
talent et une instruction solide. Je ne suis certainement pas de
ces misérables qui volent et s’approprient les compositions des
autres.
La servante monta au haut du pavillon pour rendre réponse à
sa maîtresse. Peu d’instants après, elle descendit tenant dans sa main
une feuille de papier qu’elle remit à Tchang-în.
— Mademoiselle trouve, lui dit-elle, que puisque vous êtes le
véritable auteur des Nouvelles compositions de Tchang, vous
avez décidément un talent merveilleux. Elle vient d’écrire sur ce
papier une pièce de vers et prie Votre Seigneurie d’en faire une
autre sur les mêmes rimes.
Tchang-în prit la feuille, et l’ayant déployée, y lut ces vers, composés
de phrases détachées :
Les plantes sauvages qui couvrent tout l’étang ne sont point des
lotus ;
Les fleurs blanches dont les saules sont chargés ne sont point
du coton.
Après avoir perdu les vers anciennement écrits par Yên et P’ing,
Je les retrouve tout à coup dans les nouvelles compositions de
Tchang 559 .
A la vue de ces vers, Tchang-în éprouva d’abord un embarras
mortel. Il fit semblant de vouloir composer des vers sur les mêmes
rimes. Il broya de l’encre, saisit un pinceau et se mit à écrire à tort et à
travers. Puis, il fit furtivement une copie des vers, et profitant d’un
moment où personne ne l’observait, la remit à un petit domestique qui
ne le quittait pas, en lui recommandant d’aller la porter à Song-sîn pour
qu’il composât à sa place les vers demandés.
p.547
Pour lui, il se mit à marmotter entre ses dents comme un
homme qui récite des vers ; d’abord il écrivit fictivement 560 deux
phrases, ensuite il les effaça. Un instant après, il prit la pièce originale
436