les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
Chân ? Seulement elle est vêtue de bleu comme une servante. » Il se
mit alors à l’interroger.
— Si vous n’êtes p.514 point mademoiselle Chân, lui dit-il, qui
êtes-vous donc ?
La jeune fille entr’ouvrit des lèvres vermeilles, et laissant voir des
dents blanches comme du jade :
— Monsieur, répondit-elle d’une voix fine et gracieuse, je ne suis
point mademoiselle Chân ; vous voyez seulement une servante
qui lui sert de secrétaire 521 .
— Si vous n’êtes qu’une simple servante, lui dit P’ing-jou-heng,
pourquoi empruntez-vous les airs de mademoiselle Chân pour
vous moquer de moi ?
— Où voyez-vous, répondit-elle, que j’emprunte les airs de
mademoiselle pour me moquer de vous ? C’est vous, monsieur,
qui en me prenant, par erreur, pour ma maîtresse, vous êtes
rendu ridicule.
— Eh bien ! n’en parlons plus, dit P’ing-jou-heng ; mais dites-moi,
je vous prie, pourquoi mademoiselle ne se montre pas ?
— Sachez, monsieur, répondit-elle, que mademoiselle Chân, bien
qu’elle ne soit qu’une jeune fille, maintient sévèrement la dignité
de son caractère. Lors même que l’empereur l’appelle à la cour
jusqu’à trois fois de suite, elle se contente d’y aller une seule fois.
Si des princes, des comtes, des ministres se présentent à sa
porte et sollicitent l’honneur de la voir, il faut qu’ils reviennent
quatre ou cinq fois pour obtenir d’elle une seule audience. Mais
vous, monsieur, qui ne faites que d’arriver, pourquoi êtes-vous si
impatient et avez-vous la prétention de voir tout de suite
mademoiselle ? Si je suis venue vous p.515 recevoir, c’est par un
pur effet de la bienveillance de Son Excellence le premier
ministre qui, charmé de votre jeunesse et de votre talent, m’a
envoyée vers vous après en avoir conféré avec mademoiselle.
410