les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
avec elle, moi qui ai l’honneur d’être un lettré, comment m’abaisserai-
je jusqu’à composer avec une servante ? »
L’ayant encore regardée furtivement, il vit toute sa figure rayonner
de grâces et d’éclat, et ne la jugea point au-dessous de la jeune beauté
qu’il avait vue au haut du pavillon. « Quoiqu’on accorde un talent
supérieur à mademoiselle Chân, se dit-il en lui-même, peut-être qu’elle
n’égale point celle-ci pour la beauté. Que m’importe, au reste, que ce
soit ou non une servante ? Belle comme elle est, je m’estimerai
heureux de composer avec elle, d’autant plus que le talent d’une
servante doit être fort borné. Il me suffira d’une pièce de vers pour la
mettre hors de combat, et c’est alors qu’il me sera donné de voir
mademoiselle Chân. »
Sa résolution étant bien arrêtée,
— Puisqu’il en est ainsi, dit-il, rien ne m’empêche de composer ;
seulement, je ne sais comment commencer le concours.
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Monsieur, dit la jeune fille vêtue de bleu, commencez sur
quelles rimes vous voudrez ; votre servante s’y conformera avec
respect.
— Mademoiselle, répondit Yên-pé-hân en souriant, pour obéir à
vos ordres honorables, je vais empiéter sur vos droits.
A ces mots, il broya de l’encre, déposa sur la table une feuille de
papier, et, prenant un pinceau, il improvisa les vers suivants 492 :
Une jeune fille qui n’a d’autre mérite que ses sourcils peints, est
bien digne de pitié.
Elle ne sait que barbouiller du papier et tracer quelques
caractères : pourrait-elle arriver à la postérité ?
Il faut savoir que l’ardeur d’un homme de talent s’élève
jusqu’aux nues,
Et qu’il répand des lotus de cinq couleurs cueillis dans le séjour
des dieux 493 .
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