les deux jeunes filles lettrées - Chine ancienne

Les deux jeunes filles lettrées
elles lus, qu’elles éclatèrent de rire au haut du pavillon. Moi qui
ne savais pas le fond de l’affaire. je me figurai que c’était la vue
de ces vers qui faisait naître une telle joie. Aussitôt, me sentant
rempli d’assurance, je montai précipitamment au haut du
pavillon. J’ignorais qu’on y avait suspendu une inscription tracée
de la main de l’empereur. Elle dit alors que j’avais manqué de
respect au décret impérial en ne la saluant pas. De plus, elle
possédait un sceptre d’or que lui a donné l’empereur. Si
quelqu’un voulait l’épouser malgré elle, ou lui adresser des
paroles galantes, elle pouvait l’en frapper et le tuer sans redouter
la justice. C’est encore un fait que j’ignorais. Sur son ordre, une
multitude de servantes se saisirent de moi et m’arrêtèrent. Elle
prit elle-même le sceptre d’or, et fut sur le point de me briser la
tête. Heureusement qu’elle fut touchée de mes vives
supplications et me laissa la vie. Dites-moi un peu si cette petite
drôlesse n’est pas d’une méchanceté atroce ! p.567 Quoiqu’elle eût
dit qu’elle me faisait grâce, au moment où j’allais partir, elle me
fit barbouiller d’encre et me chassa du pavillon.
A ces mots, Song-sîn resta un moment ébahi.
— Vous l’avez échappé belle ! vous l’avez échappé belle ! s’écria-
t-il. Croyez-vous maintenant qu’on puisse se permettre de
monter au pavillon du pied de jade, et de faire la cour à la jeune
personne que l’empereur a honorée du titre de fille de talent ?
Elle a encore eu égard au rang de votre père, qui est président
d’un ministère, car s’il se fût agi d’un autre, il est certain qu’elle
l’aurait assommé sur place, et pour si peu de chose, elle lui
aurait arraché la vie.
— Puisqu’elle était si méchante, reprit Tchang-în, pourquoi ne me
l’avez-vous pas dit plus tôt ?
— Sa méchanceté est connue de tout le monde, qu’avais-je
besoin de vous en parler ? Du reste, quand elle n’aurait pas été
si méchante, c’est la fille d’un ministre d’État ; vous ne deviez
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