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MARC CHARRON–LE PRESTIGE DES PROLOGUES DANS LES TRADUCTIONS DU LAZARILLO DE TORMES
PRÉ-TEXTE(S) ET PRÉTEXTE(S) EN TRADUCTION: LE FACTEUR
DE PRESTIGE DES TOPIQUES PRÉFACIELS DANS LES
TRADUCTIONS FRANÇAISES DU PROLOGUE AU LAZARILLO DE
TORMES
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MARC CHARRON
Université du Québec à Hull
En tant que type de texte, le prologue est d’abord et avant tout un pré-texte, un texte
qui, par définition, “vient avant”. Mais il se trouve que le prologue est presque toujours
aussi un prétexte, un leitmotiv en quelque sorte. En ce sens, il fait part des raisons motivant
la présentation du texte qui le suit, et il n’est pas rare que ces raisons s’expriment à travers
une série de topiques, de lieux communs jugés caractéristiques du genre préfaciel. Notre
objectif ici, modeste, sera de mesurer l’influence que se trouvent à exercer certains topiques
de l’exorde sur les traductions, en français, du prologue au premier roman picaresque
espagnol, le Lazarillo de Tormes (1554), récit autobiographique fictionnel du narrateurprotagoniste
Lázaro de Tormes. Nous voulons montrer que, au-delà de la question du
transfert linguistique proprement dit, le facteur de prestige associé aux topiques en vient à
rétablir des lieux communs auxquels la version originale du prologue au Lazarillo avait fait
subir, par le biais de formules calquées ou parodiées, un travestissement.
Ainsi, il découle de ce que nous venons d’avancer que la tâche première d’une
analyse de toute traduction du récit de Lázaro de Tormes serait logiquement de considérer
la manifestation éventuelle des quatre faits pré(-)textuels suivants: premièrement, celle du
prétexte du récit que constitue la vie du narrateur-protagoniste (ou ce que ce récit cherche à
accomplir); deuxièmement, celle du pré-texte de ce récit (c’est-à-dire le texte implicite que
présuppose l’écriture du récit); troisièmement, celle du pré-texte en traduction (c’est-à-dire
l’exercice de circonscription de ce texte implicite que présuppose à son tour toute
traduction du récit); et, enfin, celle du prétexte de la traduction (ou, encore, ce que l’acte de
traduire cherche à accomplir en produisant une version autre, dans une langue autre, de ce
récit). Ceci dit, comment aborder pour autant ces prétexte(s) et pré-texte(s) de
l’autobiographie fictionnelle qu’est le récit de Lázaro? Et surtout, quelle est la nature du
lien, si tant est que ce dernier existe, entre le récit proprement dit et le prologue qui le
précède et le présente?
Ces questions, qui concernent tant le(s) prétexte(s) que le(s) pré-texte(s), tant en
version originale qu’en traduction, ont occupé nombre de commentateurs du Lazarillo. On
trouve, par exemple, parmi les “grandes données de la nature et du fonctionnement du
discours autobiographique” établies par Edmond Cros, les affirmations suivantes:
1. L’auteur (du prologue) et le narrateur (producteur du récit) renvoient à un même
Je.
2. Ce Je s’adresse (dans les deux cas) à un même destinataire désigné sous le nom de
Votre Grâce [V(uestra) M(erced) dans le TD].
3. Le récit est censé être écrit à la demande de Votre Grâce.
(Cros 1984: 105)