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últimas corrientes teóricas en los estudios de traducción - Gredos ...

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MARC CHARRON–LE PRESTIGE DES PROLOGUES DANS LES TRADUCTIONS DU LAZARILLO DE TORMES<br />

Dans le but <strong>de</strong> déterminer la position adoptée par chacune <strong>de</strong>s traductions<br />

françaises du Lazarillo, nous montrerons ici que, même s’il est possible d’admettre que le<br />

récit “est c<strong>en</strong>sé être écrit à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> Votre Grâce”, il n’est pas du reste certain que le<br />

prologuiste et le narrateur-protagoniste “r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t à un même Je”, ni conséquemm<strong>en</strong>t que<br />

ce Je “s’adresse (dans les <strong>de</strong>ux cas) à un même <strong>de</strong>stinataire sous le nom <strong>de</strong> Vuestra<br />

Merced”. Tout <strong>en</strong> reconnaissant l’énorme contribution <strong>de</strong> Cros relative à la question <strong>de</strong>s<br />

diverses formes possibles que pr<strong>en</strong>d le “li<strong>en</strong> épistolaire” dans le Lazarillo, nous estimons<br />

que certaines <strong>de</strong>s données que le sociocritique juge implicites doiv<strong>en</strong>t être revues. Entre<br />

autres choses, ce <strong>de</strong>rnier affirme que<br />

[d]ans le prologue il est précisé que l’autobiographie qui suit doit répondre à une<br />

question qui a été posée précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t par le <strong>de</strong>stinataire au narrateur: “Et puisque Votre<br />

Grâce écrit que je dois vous écrire et raconter le cas <strong>de</strong> façon détaillée…” […]<br />

L’autobiographie est elle-même articulée sur ce prologue par un “Que Votre Grâce sache<br />

donc…” qui permet à Lazarillo <strong>de</strong> repr<strong>en</strong>dre la parole (Cros 1984: 108) 1 .<br />

Ce qui intéresse d’abord, du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s traductions, c’est que la version<br />

française <strong>de</strong> Cros du passage “Y pues V.M. escribe se le escriba y relate el caso muy por<br />

ext<strong>en</strong>so” attribue l’acte d’écriture ici exclusivem<strong>en</strong>t au narrateur-protagoniste, alors que ri<strong>en</strong><br />

n’est moins sûr. À cela s’ajoute le fait que le donc – qui traduit “pues” dans le passage “Pues<br />

sepa Vuestra Merced, ante todas cosas, que a mí llaman Lázaro <strong>de</strong> Tormes” sur lequel<br />

s’ouvre l’autobiographie proprem<strong>en</strong>t dite du narrateur-protagoniste – est employé, selon<br />

Cros, <strong>de</strong> façon à permettre au narrateur-protagoniste <strong>de</strong> repr<strong>en</strong>dre la parole, alors que nous<br />

allons montrer qu’il ne peut être établi hors <strong>de</strong> tout doute que c’est bi<strong>en</strong> Lázaro qui déti<strong>en</strong>t<br />

la parole jusqu’à la toute fin du prologue. Cela dit, il est important <strong>de</strong> signaler ce que Cros<br />

lui-même souti<strong>en</strong>t au sujet <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> ce donc:<br />

Le Donc, dont nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> dire qu’il articulait le texte autobiographique sur le<br />

prologue, est <strong>en</strong> effet susceptible <strong>de</strong> r<strong>en</strong>voyer à une autre voix et/ou à un autre discours.<br />

Rappelons ici le prétexte que donne Lazarillo à sa confession: “Et puisque Votre Grâce écrit<br />

que je dois vous écrire…” (Cros 1984: 109).<br />

Cros note avec pertin<strong>en</strong>ce que c’est du “prétexte” du récit dont il est justem<strong>en</strong>t ici<br />

question, sauf qu’il laisse très clairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre que c’est Lázaro à qui Votre Grâce a<br />

<strong>de</strong>mandé qu’on lui écrive.<br />

Depuis toujours, la critique lazarillesque a été, <strong>en</strong> effet, quasi unanime à<br />

compr<strong>en</strong>dre que la phrase “Y pues Vuestra Merced escribe se le escriba y relate el caso muy<br />

por ext<strong>en</strong>so”, qui apparaît à la fin du prologue, signifie que le narrateur répond à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

expresse <strong>de</strong> Vuestra Merced qui lui aurait <strong>de</strong>mandé par écrit d’expliquer par écrit 2 (voire <strong>de</strong><br />

s’expliquer sur) la nature du “caso”. Or, Antonio Gómez-Moriana a relevé que, à l’instar <strong>de</strong><br />

Fernando Lázaro Carreter et Francisco Rico, la traduction française fait si<strong>en</strong>ne cette idée (il<br />

s’agit, sans qu’il ne le spécifie, <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Maurice Molho parue dans la Bibliothèque <strong>de</strong> la<br />

Pléia<strong>de</strong> <strong>en</strong> 1968): “Or puisqu’il vous plaît me man<strong>de</strong>r par écrit que j’écrive et raconte mon<br />

affaire tout au long” (Gómez-Moriana 1985: 68). Ce faisant, estime Gómez-Moriana, les<br />

<strong>de</strong>ux critiques ainsi que le traducteur se trouv<strong>en</strong>t à “ajouter une information qui est abs<strong>en</strong>te<br />

du texte, bi<strong>en</strong> que dans son ambiguïté, le texte n’exclut pas non plus que Lazare soit le<br />

<strong>de</strong>stinataire direct <strong>de</strong> l’écrit (présupposé) <strong>de</strong> V.M.” (Gómez-Moriana 1985: 69). C’est J<strong>en</strong>aro<br />

Taléns, rappelle Gómez-Moriana, qui souti<strong>en</strong>t que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ “éclaircissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

1 Soulignons que Cros ne cherche pas à distinguer ici <strong>en</strong>tre Lazarillo (le protagoniste <strong>en</strong>core <strong>en</strong>fant <strong>de</strong>s premiers<br />

traités du récit) et Lázaro (narrateur-protagoniste à l’âge adulte).<br />

2 On aura remarqué que seule la traduction <strong>de</strong> Molho spécifie que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> Vuestra Merced lui a été faite<br />

par écrit. Ce type <strong>de</strong> détail s’inscrit d’emblée dans un autre grand débat critique (que nous ne pouvons malheureusem<strong>en</strong>t<br />

pas abor<strong>de</strong>r dans le cadre <strong>de</strong> cet article), soit celui <strong>en</strong>tourant l’ “oralité” dans le Lazarillo.<br />

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