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últimas corrientes teóricas en los estudios de traducción - Gredos ...

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MARIA EDUARDA KEATING–LES VOYAGES DES LETTRES PORTUGAISES<br />

2. UNE ORIGINE PROBLÉMATIQUE<br />

La première édition <strong>de</strong>s Lettres Portugaises – l’édition Barbin – se composait au<br />

départ d’un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> cinq lettres anonymes, dont l’éditeur déclarait ignorer et l’origine<br />

et le nom du traducteur, informant dans sa préface qu’elles avai<strong>en</strong>t été adressées à “un<br />

g<strong>en</strong>tilhomme <strong>de</strong> qualité qui servait <strong>en</strong> Portugal” et que leur publication lui avait semblé<br />

amplem<strong>en</strong>t justifiée par l’<strong>en</strong>thousiasme qu’elles décl<strong>en</strong>chai<strong>en</strong>t auprès <strong>de</strong>s “spécialistes <strong>en</strong><br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts” 1 :<br />

J’ai vu tous ceux qui se connaiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts, ou les louer, ou les chercher<br />

avec tant d’empressem<strong>en</strong>t, que j’ai cru que je leur ferais plaisir <strong>de</strong> les imprimer. Je ne sais<br />

point le nom <strong>de</strong> celui auquel on les a écrites, ni <strong>de</strong> celui qui <strong>en</strong> a fait la traduction, mais il<br />

m’a semblé que je ne <strong>de</strong>vais pas leur déplaire <strong>en</strong> les r<strong>en</strong>dant publiques.<br />

Prés<strong>en</strong>tées sous cet angle énigmatique, tout ce que l’on pouvait savoir à partir <strong>de</strong> la<br />

lecture <strong>de</strong> ces Lettres c’est qu’elles avai<strong>en</strong>t pour auteur explicite une religieuse portugaise <strong>de</strong><br />

Beja (Al<strong>en</strong>tejo), prénommée Marianne et qu’elles s’adressai<strong>en</strong>t à un officier français. Ce<br />

mystère initial serait apparemm<strong>en</strong>t expliqué <strong>en</strong> partie <strong>en</strong> cette même année <strong>de</strong> 1669: dans<br />

une nouvelle édition publiée à Cologne par Pierre Marteau – intitulée cette fois-ci Lettres<br />

d’Amour d’une religieuse écrites au Chevalier <strong>de</strong> C., Officier Français <strong>en</strong> Portugal – l’éditeur informait<br />

que le <strong>de</strong>stinataire <strong>de</strong>s lettres était le Chevalier <strong>de</strong> Chamilly et que le traducteur s’appelait<br />

/Cuilleraque/. Il semblait se référer ainsi, d’une part à Noel Bouton, Chevalier <strong>de</strong> Chamilly,<br />

officier <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> Schomberg, qui avait stationné dans le sud du Portugal, au XVIIe<br />

siècle, lors <strong>de</strong>s Guerres <strong>de</strong> Restauration contre l’occupation espagnole. D’autre part, il<br />

semblait désigner le Comte <strong>de</strong> Guilleragues, écrivain et secrétaire du roi Louis XIV, ami <strong>de</strong><br />

Boileau, <strong>de</strong> Racine et <strong>de</strong> Madame <strong>de</strong> Sévigné.<br />

Cette aura énigmatique du texte a donc systématiquem<strong>en</strong>t nourri les polémiques<br />

<strong>en</strong>tre critiques et histori<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la littérature – surtout <strong>de</strong>puis le début du 19 e siècle – dans<br />

leurs efforts <strong>de</strong> déterminer avec certitu<strong>de</strong> le statut <strong>de</strong> l’œuvre. Pseudo-traduction, ce qui<br />

ferait <strong>de</strong> ce texte une oeuvre romanesque d’origine française, très vraisemblablem<strong>en</strong>t écrite<br />

par son prét<strong>en</strong>du traducteur, probablem<strong>en</strong>t le Comte <strong>de</strong> Guilleragues; ou, inversem<strong>en</strong>t,<br />

vraie traduction française d’un <strong>en</strong>semble <strong>de</strong> vraies Lettres qui aurai<strong>en</strong>t été écrites au départ<br />

<strong>en</strong> portugais par une religieuse amoureuse d’un officier français 2 .<br />

Le problème est comme on sait impossible à régler <strong>de</strong> manière absolum<strong>en</strong>t<br />

indiscutable. D’une part, <strong>de</strong>puis les débuts du 19 e siècle (1810), une note manuscrite <strong>de</strong><br />

l’érudit Boissona<strong>de</strong> révélait l’exist<strong>en</strong>ce d’une religieuse portugaise appelée Mariana<br />

Alcoforado, à Beja, <strong>en</strong>tre l’Extremadure et l’Andalousie, dans la pério<strong>de</strong> présumée<br />

d’écriture <strong>de</strong>s Lettres et attestait le passage dans la région du Comte <strong>de</strong> Chamilly, officier<br />

français. Ces informations historiques serai<strong>en</strong>t confirmées par un chercheur portugais,<br />

Luciano Cor<strong>de</strong>iro, <strong>en</strong> 1888 3 . D’autre part on n’a jamais retrouvé la trace d’un original<br />

portugais <strong>de</strong>s Lettres, la “version” française ayant toujours fonctionné effectivem<strong>en</strong>t<br />

comme “original”.<br />

1 Nous utilisons, <strong>en</strong> actualisant l’orthographe, le texte <strong>de</strong> l’édition Barbin reproduit <strong>en</strong> fac-simile dans l’édition<br />

portugaise <strong>de</strong> l’œuvre par Tiragem Limitada (Lisboa 2000).<br />

2 Sur les recherches et les polémiques concernant l’origine <strong>de</strong>s Lettres Portugaises, voir, dans une perspective plutôt<br />

historique, les travaux <strong>de</strong> Luciano Cor<strong>de</strong>iro (Cor<strong>de</strong>iro 1891) et <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Aveline (Aveline 1951) ; dans une optique<br />

philologique et stylistique, voir les travaux <strong>de</strong> António Gonçalves Rodrigues (Gonçalves Rodrigues 1943) et <strong>de</strong> Léo<br />

Spitzer (Spitzer 1953).<br />

3 Cf. Cor<strong>de</strong>iro (1891).<br />

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