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últimas corrientes teóricas en los estudios de traducción - Gredos ...

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MARC CHARRON–LE PRESTIGE DES PROLOGUES DANS LES TRADUCTIONS DU LAZARILLO DE TORMES<br />

Lazarillo <strong>de</strong>meure fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t ambigu, imprécis, indéterminé, indécidable. Il faut se<br />

rappeler que le passage précéd<strong>en</strong>t (“Y pues Vuestra Merced escribe se le escriba y relate el<br />

caso muy por ext<strong>en</strong>so […]”) se termine <strong>de</strong> la façon suivante, soit “[…] parecióme no<br />

tomarle por el medio, sino <strong>de</strong>l principio, porque se t<strong>en</strong>ga <strong>en</strong>tera noticia <strong>de</strong> mi persona”.<br />

Toujours selon Gumbrecht, le g<strong>en</strong>re picaresque a ceci <strong>de</strong> particulier, <strong>en</strong> ce qu’il r<strong>en</strong>drait<br />

manifeste “the logical incompatibility betwe<strong>en</strong> the two c<strong>en</strong>tral claims of the<br />

autobiographical discourse, namely, the claim of repres<strong>en</strong>ting the totality of an individual<br />

life and the claim of being narrated by the c<strong>en</strong>tral protagonist” (Gumbrecht 1996: 306).<br />

Dans le cas qui nous occupe, peut-être faut-il compr<strong>en</strong>dre les termes “<strong>en</strong>tera noticia” (dans<br />

“porque se t<strong>en</strong>ga <strong>en</strong>tera noticia”) comme “the claim of repres<strong>en</strong>ting the totality of an<br />

individual life” et les termes “<strong>de</strong> mi persona” (“porque se t<strong>en</strong>ga <strong>en</strong>tera noticia” <strong>de</strong> qui au<br />

juste? “…<strong>de</strong> mi persona”!comme “the claim of being narrated by the c<strong>en</strong>tral protagonist”.<br />

Cette t<strong>en</strong>sion narrative qu’on trouve problématisée dans le texte du prologue –<br />

celle-là même que décrit plus généralem<strong>en</strong>t Gumbrecht comme étant caractéristique <strong>de</strong>s<br />

récits picaresques – serait-elle à son tour à rapprocher <strong>de</strong> la distinction fondam<strong>en</strong>tale,<br />

analysée cette fois par Philippe Desan, <strong>en</strong>tre les instances préfacielles du Moy<strong>en</strong> Âge et<br />

celles <strong>de</strong> la R<strong>en</strong>aissance? 9 Si l’on peut prét<strong>en</strong>dre qu’il existe au sein du prologue au Lazarillo<br />

une superposition d’instances discursives, cela ne concor<strong>de</strong>rait-il pas avec la<br />

complexification <strong>de</strong>s rapports auteur-lecteur qui s’institu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cette pério<strong>de</strong> transitoire<br />

<strong>en</strong>tre le Moy<strong>en</strong> Âge et la R<strong>en</strong>aissance? Rappelant la mise <strong>en</strong> valeur du narrateur dans les<br />

prologues <strong>de</strong>s romans du Moy<strong>en</strong> Âge au détrim<strong>en</strong>t du lecteur, Desan montre <strong>en</strong> effet que:<br />

À la R<strong>en</strong>aissance c’est précisém<strong>en</strong>t l’inverse, l’acc<strong>en</strong>t étant mis sur le lecteur au<br />

détrim<strong>en</strong>t du narrateur qui s’efface et se dévalorise le plus souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant son public. À la<br />

R<strong>en</strong>aissance le public occupe <strong>en</strong> effet une place ess<strong>en</strong>tielle dans l’appareil liminaire, et il<br />

reçoit toute la sollicitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’auteur. […] Si l’auteur du Moy<strong>en</strong> Age passe très peu <strong>de</strong> temps<br />

à se préoccuper <strong>de</strong> son public, c’est qu’il le connaît déjà. Le texte qu’il rédige a le plus<br />

souv<strong>en</strong>t été commandité par avance (avant la composition) par un seul individu qui le<br />

patronne […] Au contraire, durant la R<strong>en</strong>aissance, l’auteur ne connaît son public que d’une<br />

façon anonyme […]; il <strong>de</strong>vra donc développer <strong>de</strong>s stratégies pour lui plaire sans toutefois le<br />

connaître (Desan 1993: 103).<br />

Quiconque a étudié un tant soit peu le Lazarillo peut difficilem<strong>en</strong>t ne pas trouver<br />

étonnamm<strong>en</strong>t comparable, d’une part, ce que dit Desan au sujet <strong>de</strong> la valorisation <strong>de</strong><br />

l’auteur dans les textes préfaciels du Moy<strong>en</strong> Âge et <strong>de</strong> celle du public à la R<strong>en</strong>aissance, et,<br />

d’autre part, la t<strong>en</strong>sion narrative <strong>en</strong>tre le discours du prologuiste (ou auteur implicite) et<br />

celui du narrateur-protagoniste qui traverse le prologue au Lazarillo. Qui sont ceux, dans le<br />

prologue au Lazarillo, que touche cette sollicitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’auteur auprès du lecteur que Desan<br />

dit propre aux textes préfaciels <strong>de</strong> la R<strong>en</strong>aissance? Le lecteur virtuel? Le lecteur fictionnel,<br />

fonction occupée ici par Vuestra Merced? Plus important <strong>en</strong>core, le lecteur fictionnel est-il<br />

ou non ici, pour emprunter les termes <strong>de</strong> Desan, un exemple du “seul individu qui<br />

patronne un texte qu’il a commandité par avance”? S’agirait-il, le cas échéant, d’un texte<br />

commandité ou, au contraire, commandé (si l’on p<strong>en</strong>se à l’hypothèse <strong>de</strong> l’ordre inquisitorial<br />

avancée par Gómez-Moriana)? Ne faudrait-il pas alors déterminer si les stratégies<br />

préfacielles mises <strong>en</strong> place dans le prologue au Lazarillo (qu’elles soi<strong>en</strong>t du prologuiste ou<br />

du narrateur-protagoniste) préconis<strong>en</strong>t ou non la rupture complète avec les schèmes<br />

préfaciels du Moy<strong>en</strong> Âge? Et, <strong>en</strong>fin, comm<strong>en</strong>t ne pas apprécier l’ironie qui se dégage <strong>de</strong> la<br />

situation d’ “anonymat du lectorat à qui un auteur [connu, lui] cherche à plaire” (situation<br />

qui caractériserait le texte préfaciel au XVI e siècle selon Desan) <strong>en</strong> regard <strong>de</strong> la situation du<br />

9 Philippe Desan, “Préfaces, prologues et avis au lecteur: stratégies préfacielles à la R<strong>en</strong>aissance”, dans What is<br />

Literature? France 1100-1600, François Cornilliat, Ullrich Langer et Douglas Kelly (dirs), Lexington (K<strong>en</strong>tucky), Fr<strong>en</strong>ch<br />

Forum, 1993, pp. 101-122.<br />

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