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SKIBI ŃSKA ELŹBIETA–IMAGE TRADUITE: LA POLOGNE POPULAIRE DANS LA TRADUCTION FRANÇAISE
de la culture-cible, mais aussi du côté de la culture-source. Nous avons déjà évoqué le
pouvoir de la censure politique et son impact néfaste et falsifiant sur la littérature
polonaise des années 45-89. Or, elle avait aussi une incidence sur la réception de celle-ci
à l’étranger.
On peut distinguer quatre périodes de la présence de la littérature polonaise en
France 6 . La première, de 1945 à 1960, est une période d’absence quasi totale:
l’instauration du régime communiste en Pologne, avec toutes les conséquences sur la
littérature que nous avons évoquées, a fait que c’étaient des affinités politiques qui
décidaient de la publication des oeuvres polonaises. Ainsi, un seul éditeur français a-t-il
ouvert sa maison aux oeuvres conformes aux règles du réalisme socialiste, Pierre Seghers,
qui a publié des pages choisies (anthologies): Poètes polonais (1949), Prosateurs polonais
(1950), Pages polonaises (1953). En même temps, la situation spécifique de l’édition en
France, qui se remettait seulement des désastres de la guerre, alors qu’un nombre
considérable de bons textes français était en attente de publication, a entraîné un repli sur
soi et une fermeture du marché, renforcés aussi par les tensions internes agitant le monde
des lettres français. C’est l’explication que l’on peut donner à l’absence des oeuvres des
auteurs polonais en exil. Parmi eux, Czes³aw Mi³osz, futur prix Nobel, vivant en France,
et Witold Gombrowicz, déjà connu hors de France, ont eu la chance d’être traduits et
publiés: le premier en 1953, avec La pensée captive et La prise du pouvoir, le second en 1958,
avec Ferdydurke.
La deuxième période s’ouvre en 1960, avec la signature d’accords éditoriaux,
suivie de la constitution d’une liste d’oeuvres à traduire proposée par la Société des
Auteurs Polonais. Mais même si la qualité artistique des textes comptait (ce qui attirait
l’oeil favorable des éditeurs français de prestige, tels Gallimard, Fayard ou Albin Michel),
le choix était limité par des raisons qui n’avaient pas grand chose à voir avec la littérature:
[…] n’étaient autorisés à être publiés à l’étranger que ceux des écrivains qui ni par
leurs écrits ni par leur vie ne portaient ombrage au pouvoir en place. Aucun auteur ne pouvait
se voir traduit en France ni ailleurs s’il n’avait obtenu le visa du Comité Central du P.O.U.P.
Le visage qu’offrit dès lors la littérature polonaise à la France correspondit à l’image que les
politiciens polonais lui avaient donnée –
constate Maryla Laurent (Laurent 1988: 19).
Les choses ont radicalement changé après 1976, date qui ouvre la troisième
période, celle de la création des maisons d’édition clandestines qui publiaient ce que les
éditeurs officiels refusaient. Les auteurs ont révendiqué aussi le droit de se faire traduire
indépendemment de l’autorité politique. Le souffle de liberté qui se fait sentir dans les
publications clandestines a aussi son reflet sur le marché de la traduction: à Paris, à New
York, à Londres, il y a “une véritable floraison de romans polonais” (Laurent 1998: 20);
les événements politiques de 1980 et le prix Nobel pour Czes³aw Mi³osz, la même année,
n’ont fait que renforcer l’intérêt pour la Pologne et créer une mode pour sa littérature. Si,
une nouvelle fois, la politique a eu un impact décisif sur la présence des oeuvres
polonaises en France, cette fois-ci cet impact a été positif (encore que, pour le choix des
oeuvres, il était mutilant: on préférait celles qui correspondaient à la mode du jour, même
si leur qualité littéraire était loin d’être parfaite). (La quatrième période est celle qui suit la
chute du régime, mais elle dépasse les cadres temporels qui nous intéressent).
6 Voir à ce propos Laurent 1998.
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