09.07.2015 Views

LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

discrimination que la conscience collective opère entre le «bon chômeur» (qui a droit àl’estime, à des conditions de vie correctes) et les profiteurs du chômage entretiennent chez leschômeurs sinon de la culpabilité tout au moins de la gêne. Le refus d’emplois qui ne leurconviennent pas aggrave ce sentiment.Les conditions dans lesquelles le chômeur doit recevoir l’indemnité dechômage, ou s’inscrire dans les bureaux de placement, restent dans beaucoup de pays trèshumiliantes. L’impression de déchéance qu’il éprouve est renforcée par l’aspect d’assistanceque prend souvent – notamment en France et selon la volonté du législateur – le versement del’indemnité de chômage. Cette déchéance n’est pas toujours ressentie comme totalementimméritée. Tout en réagissant contre l’idée qu’ils sont responsables, certains chômeurs, quiont perdu leur emploi dans des conditions sélectives (ainsi, licenciement individuel dans unegrande entreprise), sont acculés à une sorte de honte. L’humiliation est à son comble. Et ceconflit interne nourrit l’anxiété.Le sentiment d’humiliation n’est pas partagé par tous les chômeurs. Certainsl’ignorent parce qu’ils s’écartent de la position où la privation d’emploi est à son degré le plusfort. Ils abandonnent le statut de chômeur, avec son ambiguïté et ses contradictions, pour unstatut plus sûr et moins infériorisé socialement. Ils se jugent chômeurs par accident, voire parerreur, et provisoirement; ils sont dans l’attente d’une retraite ou d’une pension et seperçoivent déjà dans le statut de «retraité» ou d’«infirme pensionné». C’est le cas debeaucoup de ceux qui ont plus de cinquante-cinq ans ou qui sont diminués physiquement. Detoute manière, ceux dont l’infériorité économique est forte – qui sont affectés de plusieursfacteurs d’infériorité – sont très rarement et très faiblement humiliés. Ils n’ont presque jamaisde honte et ne ressentent guère que des gênes et quelques vexations dans leurs rapports avecles administrations. Ce sont des chômeurs chroniques, apathiques le plus souvent. À l’opposé,le chômeur de transition et le chômeur de dépression sont peu humiliés. L’un n’est pas enchômage assez longtemps. L’autre ne se sent pas responsable d’une situation qu’il partageavec un très grand nombre de travailleurs. L’humiliation ne touche vraiment que lesresponsables d’un ménage dont le chômage à un caractère sélectif, relativement personnel,mais qui ne sont pas trop fortement infériorisés et qui sont sans emploi depuis quelques mois.Ces chômeurs réagissent de façon assez agressive à l’égard de la société et sont d’autant plusrevendicatifs que leur personnalité est menacée par la perte de l’estime de soi. Ils sont plusfacilement humiliés s’ils appartiennent aux groupes salariés non ouvriers de la petitebourgeoisie – employés et cadres moyens – où le prestige du «standing» est une valeuressentielle. Révoltés, mais plus violents en paroles qu’en actes, leur critique porte plus sur leshommes (employeurs ou personnalités politiques) que sur le système social. Le refus del’assimilation au prolétariat les oriente souvent vers des attitudes individualistes. D’ailleurs,l’isolation sociale – due à la rupture des liens sociaux, professionnels surtout, que provoque lechômage – apparaît chez les ouvriers eux-mêmes, principalement chez les manœuvres, quisont en général plus faiblement intégrés à la classe ouvrière que les autres. Contrairement à ceque l’on pourrait penser, le chômage détermine très rarement des attitudes révolutionnaires ausens strict. La critique politique prend souvent chez les chômeurs un caractère beaucoup plusfasciste que socialiste, particulièrement dans les deux groupes qui avaient, avant le chômage,les revenus les plus bas et les revenus les plus élevés comme l’évoque BAKKE 235 .235BAKKE, E.W., The Unemployed Worker : A Study of the Task of Making aLiving without a Job, New Haven, Yale University Press, 1940.192

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!