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LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

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Toute autre est l’expérience qu’on peut qualifier de chômage inversé quefaisaient, dans les années 1970, certains jeunes chômeurs, d’origine sociale moyenne oumême élevée, dotés d’une qualification professionnelle faible, en raison d’un niveau dediplôme insuffisant (ou nul), ou bien inadapté au marché de l’emploi (certains diplômessupérieurs de lettres). Ces jeunes, dont certains n’ont pas fait l’expérience de la vieprofessionnelle ou qui ne l’ont connue que de manière sporadique, vivent le chômage commeune période de vacances et adoptent les activités correspondantes: promenades, activitésculturelles, vie sociale. N’ayant pas intériorisé les normes du travail, ils n’éprouvent aucunehumiliation et transfigurent la période du chômage dans les termes de la liberté et del’épanouissement de soi. Cette transfiguration est encore plus efficace pour ceux d’entre euxqui justifient leur situation au nom d’une vocation artistique ou intellectuelle et participentaux normes et aux valeurs d’une contre-culture, dans laquelle l’emploi, au sens classique duterme, est dévalorisé. Opposant aux rythmes réguliers imposés par le travail organisé lesexigences de leur inspiration personnelle, aux nécessités de l’organisation collective la libertéde créer, ils usent avec bonheur de la condition de chômeurs, faisant alterner, au nom de leurvocation, les périodes d’activités partielles et provisoires et les périodes de chômage, dont lesens est inversé. Cette contre-culture, relativement fréquente dans les années 1970, estaujourd’hui beaucoup plus rare, même si, avec le temps, certains chômeurs parviennent às’accommoder de leur condition.Les diverses expériences vécues des chômeurs se traduisent, pour la majoritéd’entre eux, par une condition anomique plutôt que par la révolte violente ou la radicalisationpolitique. Alors que le taux de chômage avoisine 12,5 % de la population active, les chômeursne constituent pas un groupe social animé d’une volonté collective et susceptible de menerdes actions politiques violentes comme l’évoque C. DURAND dans son livre 238 . La diversitéobjective des chômeurs ne favorise évidemment pas l’élaboration d’une identité commune.Mais l’enquête réalisée par P.LAZARRFELD à Marienthal, au début des années 1930, dansune petite ville autrichienne où la seule usine avait dû fermer ses portes, montre qu’unepopulation homogène ne développe pas non plus une cohésion de groupe. Une identiténégative est peu susceptible de fonder une conscience et une action commune commel’exposent J.MOUEL, O. GALLANT, M.-V. LOUIS, in Sociologie du travail 239 . C’est sansdoute la raison fondamentale pour laquelle l’action proprement politique des organisations dechômeurs en France n’a jamais concerné qu’une très faible minorité des chômeurs. De plus,les plus actifs d’entre eux, ou les plus favorisés, consacrent toute leur énergie à échapperréellement et symboliquement à la condition de chômeurs, non à l’assumer ou à larevendiquer. Les chômeurs appartiennent à une même catégorie administrative, ils ne formentpas un véritable groupe social, doté d’une volonté collective susceptible de s’exprimer dansl’ordre politique.La situation anomique explique aussi que, si certains chômeurs, militants actifslorsqu’ils avaient un emploi, gardent leur activité de syndicalistes, le statut de chômeurempêche le plus souvent de compenser l’inactivité professionnelle par d’autres occupations.Le chômeur qui n’a jamais milité dans un syndicat ou dans un parti politique n’utilise pas letemps du chômage pour commencer une période d’activité militante, que lui interdit sonsentiment d’humiliation et de marginalité. Le militantisme syndical et même partisan peut êtreconsidéré comme une des composantes de l’activité professionnelle, une des formes que238DURAND, C., Chômage et violences, Galilée, Paris, 1981.239MOUËL, J., GALLANT, O., LOUIS, MV., Sociologie du travail, Revueéconomique, 1998.196

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