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LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

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violence est aussi la conséquence de ce mépris, souligne Bernard MASSERA 628 . Dans unrapport consacré à la fermeture de l'usine de Creil, les auteurs écrivent : «Les salariés deChausson ont été l'objet de manipulations extrêmes dans le cadre d'un mensonge organisé.»La mort de cette unité spécialisée dans le montage automobile avait été programmée dès1991. La direction ne l'annoncera que quatre ans plus tard. «Quand, en 1995, il devient clairque l'usine entière fermera, les derniers salariés réagiront avec une violence extrême, nonseulement parce qu'ils ne peuvent admettre l'impossible mais aussi toutes les lâchetés qu'ilsont commises -pour ne pas être dans les premiers licenciés. L'absence de confrontation à lavérité a causé chez un grand nombre de salariés une lente descente aux enfers qui seterminera, avec la fermeture, par l'effondrement de leurs projets, de leur avenir, de leuridentité, et même de leur passé. La violence dont ils ont fait preuve traduit leur sentimentprofond d'impuissance, et leur réel traumatisme.»«On n'avait même pas un patron ou un groupe avec qui négocier», dit ce salariéde Cellatex. Les conflits qui dégénèrent ont un point commun : l'annonce de la fermeturearrive d'un seul coup, sans que les salariés y aient été préparés, et ils ne trouvent personne, enface, sur qui déverser leur colère. «On utilise les gens jusqu'au dernier jour, puis on les jette.Le patron disparaît, ils n'ont que leurs tripes pour réagir», souligne Bernard MASSERA.Parfois, les salariés ne savent même plus qui les dirige. Il y a un brouillage identitaire. Ilsignorent qui contrôle le capital, qui, de la direction locale, de la maison mère ou del'actionnaire principal, décide de la fermeture. «La forme "groupe" permet le double langage.Les lieux de décisions sont tellement éloignés qu'ils paraissent illégitimes», explique DanièleLINHART 629 .Faute d'interlocuteurs, la violence se retourne contre l'entreprise, contre l'outilde travail, contre soi-même, en désespoir de cause, comme une forme de «suicide social»,selon Danièle LINHART. L'acide sulfurique (Cellatex), les bonbonnes d'acétylène(Adelshoffen) sont la résurgence d'un anarcho-syndicalisme que l'on croyait mort dans lesannées de crise. La logique financière et la mondialisation :Si, durant les années 90, les entreprises fermaient au nom de la récession, aujourd'hui lesplans sociaux se multiplient dans les entreprises qui vont bien. Quel que soit le mal que vousvous donnez, le couperet peut tomber et les actionnaires décider de délocaliser. L'usineBertrand FAURE (habillage de sièges automobiles) de Nogent-sur-Seine rapportait del'argent, elle a été fermée en septembre parce que la direction estimait pouvoir gagnerdavantage en produisant en Tunisie. Avec la croissance, la logique financière est «àdécouvert». Les salariés ont le sentiment d'être sacrifiés sur l'autel de la rentabilité. C'estinsupportable, profondément injuste. L'entreprise veut se débarrasser d'eux, ils exigent leurpart du butin : elle va devoir s'expliquer et payer. L'échec du dialogue social :«Par la violence, les salariés signifient qu'ils veulent savoir ce qui se passe, estime RachelBEAUJOLIN. Cette exigence d'explications montre qu'il n'y pas de débats dans l'entreprise.»L'employeur est le seul juge des décisions économiques. Il y a bien les comités d'entreprise,mais ils n'ont qu'un rôle consultatif. Depuis vingt ans, le rapport de forces dans l'entreprise esttrès défavorable aux salariés. Pour obtenir des explications, les acteurs sociaux sont obligésde recourir à la violence. On ne sait discuter qu'à chaud. C'est lorsque les décisions tombent628Bernard MASSERA, ancien syndicaliste chez Chausson.629Danièle LINHART, sociologue au CNRS.554

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