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LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

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que les salariés se mobilisent, que les syndicats ont leur mot à dire. En général, ils ne peuventcontribuer qu'à mettre un plus joli ruban autour du paquet-cadeau, une prime plus alléchante,pas à changer le cours des événements. Les outils du dialogue social sont inoffensifs face auxplans sociaux. Les salariés le savent. Aujourd'hui, ils n'ont plus envie d'être achetés à coupsde primes. Les ombres de la vieille économie :Les conflits qui se sont développés cet été ont tous eu lieu dans des industries de maind'œuvre,dans des secteurs traditionnels. Or, l'économie tout entière est attirée vers l'Internet.«On ne parle que de nouvelle économie, comme si on n'avait plus besoin de producteurs, ditIsabelle SOMMIER 630 . Il y a trente ou quarante ans, il y avait une valorisation du travailmanuel. Aujourd'hui, c'est fini, ils ont l'impression de ne plus faire partie du monde moderne.Ils sont devenus des ombres.» Le sentiment d'être oublié et sacrifié est encore plus grandquand la fermeture a lieu dans un bassin d'emplois sinistré, comme les Ardennes pourCellatex. C'est la fin de l'usine et d'une région, avec son histoire et ses traditions. Pour sortirde l'anonymat, il faut trouver un moyen d'attirer l'attention, et donc les médias. «La violenceest un outil très efficace pour faire venir les caméras, souligne Isabelle SOMMIER. Cela peutêtre une solution à un conflit qui s'enlise. C'est un coup d'éclat qui permet de déclencherl'intervention de l'État». Et d'obtenir un bon plan social. C'est ce qui s'est passé à Cellatex.«C'est l'amour-propre qui en prend un coup. C'est une insulte.» 631 . Le 5 août,les 236 employés de l'usine d'équipement automobile de Bertrand FAURE à Nogent-sur-Seine obtenaient une drôle de victoire. «Le droit de quitter une usine où on a travaillé vingtans avec 200 000 balles dans la poche et un coup de pied au cul», dit l'une des employées. En1996, c'étaient les 1000 derniers salariés de l'usine Chausson à Creil qui se retrouvaientdehors.Voici le témoignage de quelques-uns d'entre eux 632 : Sylvie, 43 ans, couturière à Bertrand FAURE pendant vingt ans :«Le 4 mai 2000, trois jours après la Fête du travail, on nous a fait arrêter les machines. Lesdirigeants nous ont dit qu'ils avaient une mauvaise nouvelle : "On délocalise le travail àl'étranger, le site n'est plus assez compétitif." Ça a été un coup de hache. On ne peut pascomprendre. Il y a deux ans, la direction était venue nous dire qu'on était les meilleures, uneusine pilote qui était très compétitive. Certaines filles en avaient pleuré de joie. En fait, ons'est fichu de nous. Les actionnaires veulent de plus en plus de pognon. S'ils ne ramassent pasleur pognon, les patrons ferment les usines. Moi, j'ai été engagée il y a vingt ans, au salaireminimum, et j'ai gravi les échelons. J'avais un très bon salaire à la fin 1097,63 € {7 200 F}net). Je suis devenue une ouvrière qualifiée. Aujourd'hui, je regrette d'avoir tant cru. C'estl'amour-propre qui en prend un coup. C'est une insulte. On nous a considérées comme desmerdes. En arriver là au bout de ce temps, c'est pas acceptable, c'est tout. A mon âge, j'auraidu mal à trouver un emploi. J'avais un métier entre les mains, on me l'a enlevé. Je ne sais pas630Isabelle SOMMIER, maître de conférences en sciences politiques àParis-I, spécialiste du monde ouvrier.631Libération,«Du jour au lendemain votre vie s'écroule», Des salariésracontent la violence du licenciement et de l'après, Spécial Emploi, 25septembre 2000.632Témoignages tirés de l'étude coordonnée par Frédéric BRUGGEMAN : «Uneanalyse pluridisciplinaire des plans sociaux ayant accompagné la fermeturede l'usine Chausson-Creil ». Février 2000.555

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