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LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

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Sans doute, cette «liberté» était-elle plus juridique qu’économique, plusformelle que réelle: lorsqu’on ne dispose, pour subsister, que de la force de ses bras, la libertéde choix est bornée par la nécessité d’assurer la subsistance du lendemain. Et le terme de«prolétaire» – dont on sait l’usage qu’en fera MARX–, qui désignait initialement ceux qui nepossédaient que leur descendance (proles, en latin), était utilisé dès 1560 pour signaler cespauvres dont l’existence précaire dépendait uniquement de leur capacité à louer leurs bras (ilapparaît, selon Peter LAS<strong>LE</strong>TT sous la plume d’un magistrat anglais, sir Thomas SMITH).Cependant, «brassiers», «manouvriers», «journaliers» étaient, comme les domestiques, lesvalets de ferme ou les apprentis, intégrés à la famille de leur employeur, avec laquelle ilspartageaient, le temps de leur emploi, le gîte et le couvert. Le salaire était des plus minces:dans le meilleur des cas, une (modeste) fraction de la récolte, ou quelques pièces de petitemonnaie, l’équivalent d’un «argent de poche», en sus de ce gîte et de ce couvert et, pour lesapprentis, en sus d’une formation qui pouvait durer dix ans ou davantage. Cette intégrationfamiliale du salarié limitait la précarité de son existence. Celui qui décidait de se marierrenonçait, du même coup, à faire partie de la famille de son patron. Il lui fallait alorsimpérativement trouver d’autres occupations pour compléter un salaire désormais réduit à fortpeu de chose. Celui qui n’y parvenait pas était soumis à la faim et la misère quotidiennementainsi que sa famille. Et le philosophe anglais John LOCKE de commenter, en 1696: «La partde l’ouvrier agricole, étant rarement plus qu’une maigre subsistance, ne donne jamais à cegroupement humain le temps ou l’occasion d’élever ses pensées plus haut ou de lutter avec lesplus riches pour leur disputer leur part [...] sauf lorsqu’une détresse commune oud’importance les unit en un seul ferment universel, leur fait oublier le respect et les rend asseztéméraires pour vouloir se tailler leur part à la force des armes: alors ils se déchaînent contreles riches et balaient tout sur leur passage comme un déluge.» Classes laborieuses, classesdangereuses...Heureusement, il existait d’autres issues, moins dramatiques. Pour les pluschanceux – et les plus jeunes –, le décès du maître de maison pouvait être l’occasiond’épouser sa veuve et de troquer sa condition de commis ou de manouvrier contre celle depatron. Ce n’était pas si rare qu’on le croit, dans une société où la mort frappait jeune, et où ilfallait des bras solides pour mener l’exploitation ou la boutique. Cette forme d’ascensionsociale était pourtant mal vue, comme en témoignent les innombrables contes qui mettent enscène des beaux-pères maltraitant les enfants du premier lit. Le plus souvent, cependant, lejournalier, pour compléter ses maigres gages et nourrir sa famille, devait mettre celle-ci autravail: travail des enfants – ramasseurs de bois mort, gardeurs d’oies, tireurs d’eau –, quel’on rémunérait d’un morceau de pain ou qui glanaient leur pitance; travail de l’épouse –blanchisseuse, lavandière, serveuse. Dans ce milieu marqué par la précarité, le travail àdomicile est devenu peu à peu la planche de salut. Le drapier n’avait nulle difficulté à trouvercardeuses, couseuses, découpeuses, tailleuses, tisserands et teinturiers. Tisser le lin ou la lainefaisait déjà partie des activités traditionnelles du milieu rural: le travail à la pièce, pour lecompte d’un marchand ou d’un fabricant, devint, au XVIIIe siècle, le support d’uneindustrialisation diffuse.Une transformation de grande ampleur s’impose, elle sera vécue comme une« grande transformation » et légitimée par le courant néo-institutionnaliste qui regroupe unensemble de travaux ayant pour objet l’explication des phénomènes institutionnels ducapitalisme. Il est à l’origine des théories néo-libérales de l’entreprise. L’ouvrage de51

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