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LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

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don, dont chacun sait qu’il appelle un contre-don, de sorte que s’établissent des liens sociaux,chacun devenant l’obligé de l’autre. Ainsi, à l’opposé d’un fonctionnement de marché, lesalaire devient un moment dans la création de liens sociaux qui vont bien au-delà du strictéchange. A contrario, on connaît la fameuse plaisanterie que l’on attribuait aux salariéssoviétiques: «Ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler.» Avec lathéorie du salaire d’efficience, le sens de la causalité s’inverse: ce n’est plus l’efficacité, ou lerapport de forces, qui détermine le salaire, c’est le salaire qui détermine l’implication etcontribue à créer des liens sociaux forts entre l’entreprise et ses salariés.Il est clair qu’une telle théorie n’a pas de sens dans des établissementscomprenant plusieurs milliers de salariés: l’anonymat des relations de travail, la présenced’une hiérarchie très structurée, transformant le lien direct employeur/salarié en un ensemblede relations bureaucratiques organisées par des règles strictes, tout cela empêche que lesrelations sociales personnalisées puissent s’instaurer. En revanche, dans des établissements detaille plus modeste – quelques centaines de salariés au plus –, qui deviennent progressivementla norme dominante, même s’ils appartiennent à des entreprises ou à des groupes, beaucoupplus importants, l’approche du salaire d’efficience paraît bien plus pertinente. Elle estcohérente, en tout cas, avec les tentatives de création d’une «culture d’entreprise», d’unsentiment d’appartenance à l’entreprise, qui constituent, au-delà des modes et des motsvalises,des mouvements de fond, transformant peu à peu la relation qui unit le salarié à sonentreprise. Certes, il y a toujours le lien de subordination, qui fait que le salarié reçoit desordres, ou des consignes, qu’il s’inscrit dans une organisation du travail que d’autres ontchoisie. Mais, en plus de ce lien de subordination, on voit apparaître ce qu’on pourrait appelerun «lien de connivence», parce que, de plus en plus, le succès ou l’échec de l’entreprisedépendent d’initiatives ou de comportements des salariés eux-mêmes.Cette ébauche d’une sorte de communauté de travail, conflictuelle etinégalitaire, il faut le souligner, va de pair avec les phénomènes d’exclusion durable dumarché du travail ou de précarisation soulignés plus haut. Loin d’être contradictoires avecelle, ceux-ci en sont la face cachée. D’une certaine manière, c’est parce qu’une masse nonnégligeable de personnes se trouvent exclues ou menacées d’exclusion que le sentimentd’appartenance à l’entreprise peut se renforcer et qu’il devient autre chose qu’un discourspaternaliste destiné à donner le change. On voit ainsi que le salariat est désormais parcouru deprofondes fissures, pour ne pas dire de réelles fractures: un salaire minimum pour tous ceuxqui ne sont pas suffisamment qualifiés, un contrat précaire pour beaucoup, mais aussi uneintégration forte dans l’entreprise pour un grand nombre et, partout où subsistent desorganisations bureaucratisées (administrations, grands établissements), des règles collectivesstrictes destinées à protéger les salariés contre les risques.Les règles d’évolution du salaire dans le temps, elles aussi, se modifient.Durant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, ce sont des procédurescollectives – conventions ou accords d’entreprise – qui, pour l’essentiel, ont réglé l’évolutiondes salaires. Les seuls cas d’évolution individualisée concernaient soit les cadres dirigeants,soit les salariés qui bénéficiaient d’une promotion. Il en est de moins en moins ainsi. D’abord,parce que la crise a provoqué un amenuisement de la négociation collective, notammentsalariale. Mais surtout parce que les processus d’individualisation ont beaucoup progressé: lesalaire évolue désormais au mérite. Cela ne va pas sans difficultés: car comment apprécier cemérite dans une économie où, on l’a vu, la mesure individuelle du résultat est de plus en plusproblématique ? Paradoxalement, l’individualisation des augmentations de salaires tend à segénéraliser au moment même où cette mesure individualisée n’est plus possible, alors que,61

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