miguel de unamuno frente al modernismo religioso - Gredos ...

“Le Christ de la foi – dit M. Loisy – idéal qui procède de la personne historique
de Jésus, mais qui ne se confond pas avec elle…”. Non, de même que moi, tel que
je suis aujourd’hui, je ne me confonde pas avec moi-même, tel que j’étais il y a
vingt ans. Mais le Christ de la foi est la personne même historique de Jésus
quoiqu’il ne soit plus le Jésus individuel, psychique, sous-historique. Et nous tout,
de même que Jésus, nous sommes, en tant que nous vivons dans l’histoire et pour
l’histoire, des puissances spirituelles très réelles, soumises au travail gnostique de
nos prochains, duquel travail, gros en avenir et tout rempli de conséquences
aujourd’hui cachées, nous sommes le produit.
Et je ne peux pas croire non plus que la théologie contemporaine soit, comme
M. Loisy le dit “une véritable tour de Babel, où la confusion des idées est encore
plus grande que la diversité des langues”. Dans les âmes des disciples immédiats
de Jésus, de ses apôtres, de la foule qui l’entourait, il y aura eu sans doute, une
très grande diversité à son égard, une diversité qui se reflète même dans les
Evangiles, mais de cette diversité, de cette confusion même, résulta le vrai Jésus
historique, un Jésus un et le même, mais avec la richesse de la vie. Pareillement
on doit chercher le Socrate historique dans ceux de Xénophon, de Platon,
d’Aristophane et d’Aristote et même dans les Socrates postérieurs.
Les expériences religieuses sont, sans doute, intransmissibles, multiples et
variées, comme d’ailleurs toutes les expériences, mais c’est de leur concours que
ressort l’expérience religieuse collective, en profitant même de leurs
contradictions intimes. Et l’expérience religieuse est, comme tout, en évolution.
Certes, l’expérience religieuse, tout spécialement la chrétienne “est bien loin de
remplir l’histoire du passé humain”, mais c’est le dernier épanouissement qu’elle
ait jusqu’aujourd’hui. Et qu’est ce qu’est le passé humain aujourd’hui?
Au fond de tout ce problème il n’y a, je pense, pas autre chose que ceci, à
savoir que les historiciens [sic] se font une conception spéciale, une conception de
spécialistes, de l’histoire, l’histoire est pour eux, et quoiqu’ils fassent pour en
sortir, toute temporelle. Les événements qui se succèdent dans le temps leur
cachent les faits, les faits permanents qui s’accroissent dans l’éternité, les
puissances spirituelles. Ils reconnaissent peut-être, au reste, la valeur de l’éternel
mais ils sont jaloux de ne pas le faire valoir dans l’histoire. Et c’est ainsi qu’on
nous donne une histoire morte, les débris de l’histoire, pas l’histoire même.
L’histoire fait place à Dieu, mais c’est parce que Dieu même, le Dieu vivant, le
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