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Péquod

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dément de grand air, ses narines dilatées aspirant la vie sublime<br />

de l’univers. Ce n’est pas avec du bœuf ou du pain qu’on fait ou<br />

qu’on nourrit les titans. Queequeg lui, avait un claquement de<br />

lèvres bien humain et barbare – assez repoussant – à tel point<br />

que le frémissant Pâte-Molle en venait presque à examiner son<br />

bras mince pour voir si des marques de dents n’y étaient pas<br />

imprimées. Et lorsque Tashtego lui claironnait d’approcher afin<br />

qu’on lui ronge les os, ce garçon simplet entrait dans de telles<br />

transes qu’il manquait de faire choir toute la vaisselle traînant<br />

autour de lui dans l’office. Les pierres à aiguiser que les harponneurs<br />

transportaient dans leurs poches qu’ils sortaient ostensiblement<br />

au repas pour y aiguiser leurs couteaux, le bruit grinçant<br />

qui s’ensuivait, n’étaient pas pour tranquilliser si peu que<br />

ce soit le pauvre Pâte-Molle. Comment pouvait-il oublier que<br />

Queequeg entre autres, lorsqu’il vivait dans son île, s’était, sans<br />

aucun doute, rendu coupable de festins meurtriers et indiscrets.<br />

Hélas ! Pâte-Molle ! C’est une cruelle situation pour un blanc<br />

que celle qui le contraint à servir à table des cannibales. Ce n’est<br />

pas une serviette qu’il doit porter au bras mais un bouclier.<br />

Pourtant, le moment venu et à son grand soulagement, ces trois<br />

loups de mer guerriers se levaient pour partir ; à ses oreilles<br />

crédules aux fables médisantes leurs os tintinnabulaient de façon<br />

martiale à chaque pas comme des cimeterres mauresques<br />

cliquettent dans leurs fourreaux.<br />

Mais bien que ses barbares dînassent dans le carré, et fussent<br />

censés y séjourner, n’étant nullement de mœurs sédentaires,<br />

ils n’y faisaient guère d’autre apparition qu’au moment des<br />

repas et juste avant d’aller se coucher quand ils la traversaient<br />

pour regagner leurs quartiers personnels.<br />

À ce sujet, Achab ne différait pas des autres capitaines baleiniers<br />

américains qui considèrent que la chambre du navire<br />

leur appartient de droit et que c’est pure amabilité de leur part<br />

si, à l’occasion, ils y tolèrent qui que ce soit. De sorte que, on<br />

peut bien le dire en toute vérité, les seconds et les harponneurs<br />

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