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Péquod

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arracher à l’enseigne son cri déchirant, que je me dis que c’était<br />

là par excellence le logement bon marché où l’on servirait le<br />

meilleur des cafés de pois grillés.<br />

C’était une étrange maison : un toit à pignons, un côté tristement<br />

penché par la paralysie. Elle se tenait à un angle de rues<br />

exposé et glacial, où Eurus, le vent des tempêtes, hurlait comme<br />

jamais il ne le fit autour du navire secoué de ce pauvre Paul.<br />

Pourtant le vent le plus sauvage est un zéphyr lorsqu’on est au<br />

coin du feu, les pieds contre la plaque de cheminée, se rôtissant<br />

paisiblement avant d’aller au lit. Au sujet d’Eurus, ce vent de<br />

tempêtes – dit un auteur ancien dont je possède le seul manuscrit<br />

existant – il y a une différence admirable suivant que vous<br />

l’observez d’une fenêtre dont seule la vitre extérieure est givrée<br />

ou que vous l’éprouviez de cette fenêtre, sans carreaux, où le gel<br />

sévit des deux côtés et dont le pauvre hère a la Mort pour seul<br />

vitrier. C’est bien vrai, pensais-je, tandis que me revenait en<br />

mémoire ce passage du vieux manuscrit. Le raisonnement est<br />

sage. Oui, ces yeux sont des fenêtres et ce corps qui est mien en<br />

est la maison. Quel dommage pourtant qu’on n’ait pas bouché<br />

les fentes et les lézardes avec un peu de charpie ici ou là. Mais il<br />

n’est plus temps d’y porter remède. L’univers est achevé, on y a<br />

mis la dernière main et les débris ont été charroyés, voici des<br />

millions d’années. Pauvre Lazare, gisant là, un pavé en guise<br />

d’oreiller, claquant des dents contre la pierre, grelottant dans<br />

ses haillons, il pourrait bien se boucher les oreilles avec des chiffons,<br />

mordre un épi de maïs, que cela ne le garantirait pas du<br />

tempétueux Eurus. Eurus ! s’écrie le vieux riche drapé dans son<br />

vêtement de soie pourpre (celui qu’il eut par la suite fut bien<br />

plus rouge encore !) beuh… beuh !… quelle belle nuit de gel,<br />

quel n’est pas l’éclat d’Orion, quelle lumière septentrionale !<br />

Qu’ils parlent des serres chaudes de leurs éternels étés et qu’on<br />

me laisse le privilège de me créer mon été à moi avec mon propre<br />

charbon.<br />

– 41 –

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