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Péquod

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tempête, ou quelque agent destructeur de même nature, violent,<br />

irrépressible, inintelligent.<br />

Mais il y a une différence notoire entre un sauvage et un civilisé<br />

car, tandis qu’un civilisé malade fait souvent six mois de<br />

convalescence, un sauvage malade est en règle générale presque<br />

rétabli en un jour. Aussi mon Queequeg reprit-il des forces en<br />

temps voulu et enfin, après être indolemment resté assis pendant<br />

quelques jours sur le guindeau (mangeant toutefois avec<br />

un solide appétit) il gicla soudain sur ses pieds, s’étira en tous<br />

sens, bras et jambes, bâilla quelque peu et, sautant dans sa pirogue<br />

suspendue, et balançant un harpon, il se déclara prêt au<br />

combat.<br />

Avec une sauvage fantaisie, il utilisa désormais son cercueil<br />

comme coffre, y versa le contenu de son sac de toile et y rangea<br />

ses vêtements. Il consacra de nombreuses heures de loisir à<br />

sculpter sur le couvercle des figures grotesques et des dessins et<br />

il semblait qu’il cherchât à sa manière primitive à y transcrire<br />

les tatouages compliqués de son corps. Tatouages qui étaient<br />

l’œuvre d’un défunt prophète et voyant de son île qui avait écrit,<br />

dans ces caractères hiéroglyphiques, une thèse complète sur les<br />

cieux et la terre et un traité mystique sur l’art d’atteindre à la<br />

vérité. La personne de Queequeg était dès lors une énigme à<br />

déchiffrer, une œuvre étonnante en un volume dont lui-même<br />

ne pouvait pas lire les mystères contre lesquels battait pourtant<br />

son cœur de chair. Ces mystères étaient donc destinés à tomber<br />

en poussière avec le parchemin vivant où ils s’inscrivaient et à<br />

demeurer à jamais impénétrés. C’est bien une telle pensée qui<br />

avait dû arracher à Achab cette exclamation farouche qu’il eut<br />

lorsque, se détournant un matin du pauvre Queequeg, il s’écria :<br />

« Oh ! satanique supplice de Tantale infligé par les dieux ! »<br />

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