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Péquod

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En moins d’une minute, sans qu’il eût à quitter son esquif,<br />

lui et ses hommes furent déposés sur l’eau et se trouvèrent bientôt<br />

aux flancs de l’étranger. Mais là survint une curieuse difficulté.<br />

Tout à son impatience Achab avait oublié que, depuis la<br />

perte de sa jambe, il n’avait pas posé le pied sur un autre navire<br />

que le sien propre et qu’il y bénéficiait d’une invention ingénieuse<br />

et pratique particulière au <strong>Péquod</strong>, mais qu’il ne trouverait<br />

sur commande sur aucun autre navire. Or, il n’est aisé pour<br />

personne – hormis pour ceux qui, comme les baleiniers, l’ont<br />

fait à chaque heure de leur vie – de grimper au flanc d’un navire<br />

depuis une baleinière en pleine mer car les vagues puissantes la<br />

hissent jusqu’aux pavois, pour la faire retomber aussitôt à michemin<br />

de la contre-quille. De sorte que, privé d’une jambe, le<br />

navire étranger étant parfaitement dépourvu de système favorable,<br />

Achab se trouvait déchu, réduit à l’état de terrien emprunté<br />

et jetait un regard impuissant vers les hauteurs mouvantes<br />

qu’il ne pouvait espérer atteindre.<br />

Peut-être a-t-il été déjà fait allusion au fait que, lorsque<br />

Achab se trouvait dans une difficulté provenant indirectement<br />

de son malheureux accident, il était presque invariablement<br />

irrité ou exaspéré. En l’occurrence, il était exacerbé par la vue de<br />

deux officiers du navire étranger qui, penchés sur la lisse, près<br />

de l’échelle perpendiculaire, balançaient à son intention une<br />

paire de tire-veilles ouvragées avec goût, car de prime abord il<br />

ne leur semblait pas être venu à l’idée qu’un unijambiste puisse<br />

être suffisamment infirme pour ne pouvoir utiliser ces rampes<br />

marines. Ce malaise ne dura qu’un instant car le capitaine<br />

étranger, ayant jugé d’un coup d’œil de quoi il en retournait,<br />

s’écria : « Je vois ! je vois ! assez hissé par là ! En vitesse, les<br />

gars, jetez le palan de dépeçage.<br />

La chance voulut qu’ils aient eu une baleine amarrée deux<br />

ou trois jours auparavant et que les palans fussent encore en<br />

place et le grand croc à lard, propre et sec, encore suspendu à<br />

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