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Péquod

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l’amitié. Sortant sa blague et son tomahawk, il m’offrit tranquillement<br />

d’en tirer quelques bouffées, de sorte que nous restâmes<br />

assis là, fumant chacun à notre tour sa pipe barbare, nous la<br />

passant l’un à l’autre à intervalles réguliers.<br />

Si le cœur du païen abritait encore à mon égard quelque<br />

glaçon d’indifférence, il eut tôt fait de fondre à la réconfortante<br />

chaleur de cette pipe commune et nous devînmes compères. Sa<br />

sympathie semblait venir à moi tout aussi naturellement et<br />

spontanément que la mienne allait à lui. Lorsque nous eûmes<br />

fini de fumer, il appuya son front contre le mien, m’enserra la<br />

taille et me dit que dès lors nous étions mariés, ce qui signifiait,<br />

dans le langage de son pays, que nous étions des amis de cœur<br />

et que, si besoin en était, il donnerait joyeusement sa vie pour<br />

moi. Chez un compatriote, cette flamme soudaine d’affection<br />

aurait paru par trop prématurée et tout à fait suspecte mais ces<br />

règles générales ne pouvaient en aucun cas s’appliquer à ce sauvage<br />

simple.<br />

Après le souper, une nouvelle conversation et une nouvelle<br />

pipe, nous montâmes tous deux dans notre chambre. Il me fit<br />

don de sa tête réduite, sortit sa gigantesque blague et, fouillant<br />

sous le tabac, il en tira quelque trente dollars d’argent. Les étalant<br />

alors sur la table, il en fit deux parts égales et poussant<br />

l’une vers moi il me dit qu’ils m’appartenaient. J’allais protester<br />

mais il me réduisit au silence en les versant dans les poches de<br />

mon pantalon. Je les y laissai. Il commença alors ses prières du<br />

soir, sortit son idole et libéra la cheminée de son écran de papier.<br />

Certains signes et symptômes me donnèrent à croire qu’il<br />

désirait que je me joigne à lui. Sachant pertinemment ce qui<br />

allait suivre, je réfléchis un instant pour savoir si j’accepterais<br />

ou non si je m’y trouvais invité.<br />

Je suis un bon chrétien, né et élevé dans le sein de<br />

l’infaillible église presbytérienne. Comment, dès lors, pouvais-je<br />

partager les dévotions que ce sauvage idolâtre rendait à son<br />

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