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Péquod

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té par ses pareils. De sorte que la mousson, le pampero, les<br />

vents de nord-ouest, le harmattan, les alizés, tous les vents sauf<br />

celui du levant et le simoun, pouvaient bien entraîner Moby<br />

Dick dans un tourbillon errant autour du monde à la suite du<br />

<strong>Péquod</strong>.<br />

Tout cela étant admis, si on en juge avec une froide réserve,<br />

l’idée ne semble-t-elle pas folle que si l’on vient à rencontrer sur<br />

l’Océan infini une baleine solitaire, son poursuivant pourra la<br />

reconnaître en tant qu’individu précis, comme un mufti à barbe<br />

blanche dans les rues surpeuplées de Constantinople ? Certes.<br />

Car le front neigeux et la bosse d’albâtre de Moby Dick ne pouvaient<br />

prêter à confusion. Après s’être absorbé dans ses cartes<br />

longtemps après minuit, Achab, retombant dans ses rêves, se<br />

murmurait : « N’ai-je pas marqué la Baleine, ainsi entaillée,<br />

échapperait-elle à ma vue ? Ses nageoires sont percées et déchiquetées<br />

comme les oreilles d’une brebis perdue ! » Et sur ce, sa<br />

folie prenait un galop effréné jusqu’à ce que la lassitude lui<br />

vienne et que défaille sa pensée ! Alors, il montait sur le pont<br />

pour raffermir ses forces au grand air. Ah ! Seigneur ! quels frénétiques<br />

tourments ne doit-il pas endurer, l’homme que<br />

consume le désir insatisfait de la vengeance ? Il dort les poings<br />

serrés et s’éveille les clous sanglants de ses ongles transperçant<br />

ses paumes.<br />

Souvent, les rêves de sa nuit, intolérables, épuisants, aux<br />

couleurs de la vie, le chassaient de son hamac, tant ils perpétuaient<br />

les pensées ardentes qu’il nourrissait pendant la journée,<br />

les entrechoquant avec fureur, les vrillant, les emportant en<br />

tourbillons toujours plus serrés dans son cerveau brûlant, jusqu’à<br />

ce que la pulsation même de la vie devînt en lui une angoisse<br />

insupportable ; alors parfois ces agonies spirituelles<br />

l’arrachaient à lui-même, un gouffre s’ouvrait en lui d’où montaient<br />

des flammes aiguës et des éclairs, d’où les démons maudits<br />

l’invitaient à se joindre à eux ; lorsque cet enfer béait sous<br />

lui, un cri sauvage retentissait sur le navire et, les yeux étince-<br />

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