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Péquod

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comme si la vue de ce cadavre lui rappelait que Moby Dick était<br />

encore à mettre à mort et que quand bien même des milliers<br />

d’autres baleines seraient remorquées jusqu’à son navire, cela<br />

ne le distrairait en rien de son obsession unique. Bientôt on aurait<br />

pu croire, au bruit qui régnait sur le pont du <strong>Péquod</strong>, que<br />

l’équipage s’apprêtait à mouiller l’ancre en plein Océan. De<br />

lourdes chaînes étaient halées sur le pont et jaillissaient des sabords<br />

de charge avec fracas. Mais c’était l’immense cadavre, et<br />

non le navire, que ces chaînes cliquetantes amarraient. Liée par<br />

la tête à la poupe, par la queue à la proue, la baleine appuyait sa<br />

coque noire contre celle du navire et, entrevue dans les ténèbres<br />

qui dissimulaient la mâture et le gréement sur le ciel, on eût dit<br />

un attelage de bœufs géants dont l’un se serait couché et dont<br />

l’autre serait resté debout 14 .<br />

Si le sombre Achab, pour autant qu’on pouvait le présumer,<br />

était maintenant au repos, Stubb, son second, enfiévré par sa<br />

victoire, montrait une animation inhabituelle mais toujours<br />

empreinte de bonhomie. Il déployait une activité si peu coutumière<br />

que son supérieur, le posé Starbuck, lui abandonna pour<br />

le moment avec tranquillité la direction des opérations. Une<br />

petite raison stimulait la pétulance de Stubb et se révéla bientôt<br />

étrangement. Amateur de bonne chère, Stubb avait une prédi-<br />

14 Notons un petit détail : la prise la plus solide et la plus sûre que<br />

le cétacé offre au navire lorsque celui-ci est amarré à son flanc, c’est sa<br />

queue. Étant donné que la caudale est la partie la plus musclée du corps,<br />

c’est aussi la plus lourde, les nageoires pectorales exceptées. Sa souplesse,<br />

qu’elle conserve dans la mort, l’entraîne bien au-dessous de la<br />

surface de sorte qu’on ne peut pas la capeler depuis la pirogue, étant<br />

donné qu’il est impossible de le faire à la main. Cette difficulté a été résolue<br />

avec ingéniosité : une petite ligne résistante munie d’un flotteur de<br />

bois à un bout, d’un poids en son milieu, est assurée au navire à son autre<br />

extrémité. Le flotteur est adroitement amené de l’autre côté de la masse<br />

de manière à encercler le cétacé, la chaîne suit facilement et, glissée le<br />

long du corps, elle est amarrée à la partie la plus étroite de la caudale, à<br />

l’endroit où elle diverge en larges palmes ou ailerons.<br />

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