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Péquod

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« Il y a toujours quelque suffisance dans les sommets et<br />

dans les tours et dans toutes choses grandes et altières, voyez<br />

ces trois pics aussi orgueilleux que Lucifer. La tour inébranlable,<br />

c’est Achab, le volcan, c’est Achab, l’oiseau courageux, sans<br />

peur, victorieux, c’est aussi Achab, tous sont Achab, et ce disque<br />

d’or n’est que l’image d’un monde plus rond encore qui, tel le<br />

miroir d’un magicien, tour à tour, à chaque homme ne renvoie<br />

que l’image de son moi mystérieux. Grandes douleurs, petits<br />

profits à celui qui demande au monde des réponses alors qu’il<br />

ne sait ce qu’il est lui-même. Il me semble que ce soleil, devenu<br />

monnaie, rougeoie, mais voyez, il entre dans la ligne équinoxiale,<br />

dans le signe des tempêtes et, il n’y a que six mois, il<br />

sortait du Bélier du précédent équinoxe ! De tempête en tempête<br />

! Qu’il en soit donc ainsi. Enfanté dans la douleur, il est<br />

juste que l’homme vive dans la souffrance et meure dans les affres<br />

! Qu’il en soit donc ainsi ! Voilà une rude matière offerte à<br />

l’acharnement du malheur. Qu’il en soit donc ainsi. »<br />

« Aucun doigt de fée n’a pu serrer l’or mais les griffes du<br />

diable ont dû hier y laisser leurs empreintes, se murmura Starbuck<br />

appuyé au bastingage. Le vieillard semble lire le terrible<br />

message du festin de Balthazar. Je n’ai jamais examiné cette<br />

pièce de près. Il s’en va, je vais aller la voir. Une sombre vallée<br />

entre trois sommets puissants griffant les cieux. On dirait un<br />

pâle symbole terrestre de la Trinité. Ainsi Dieu nous entoure<br />

dans cette vallée de la Mort et sur nos ténèbres resplendit le soleil<br />

de la Justice, son phare et son espérance. Si nous baissons<br />

les yeux, l’obscur vallon ne montre qu’une terre pourrie, mais<br />

que nous les levions et le soleil vient à la rencontre de notre regard<br />

pour nous réconforter. Pourtant la demeure du soleil n’est<br />

point fixe et si nous voulions à minuit lui arracher quelque<br />

douce consolation, nous le chercherions en vain ! Cette pièce a<br />

la voix de la sagesse, de la douceur, de la vérité mais pour moi<br />

celle de la tristesse aussi. Je la quitterai de crainte que la Vérité<br />

ne m’ébranle traîtreusement. »<br />

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