25.06.2013 Views

Péquod

Péquod

Péquod

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

À ces mots, Daggoo, se tenant des deux mains au plat-bord<br />

pour assurer son équilibre, se glissa promptement à l’arrière et,<br />

se redressant, lui offrit le piédestal de ses épaules altières.<br />

– Une pomme de mât qui en vaut une autre, sir. Voulezvous<br />

monter ?<br />

– Je n’y manquerai pas et merci beaucoup, mon cher camarade,<br />

je voudrais seulement que vous mesuriez cinquante<br />

pieds de plus.<br />

Calant alors fermement ses pieds contre les bordages opposés<br />

de la pirogue, le gigantesque nègre se baissa un peu, tendit<br />

sa paume au pied de Flask, lui prit la main pour la poser sur<br />

les plumes de corbillard de sa tête et le pria de sauter tandis que<br />

lui-même se relèverait. D’un coup adroit, il établit haut et sec le<br />

petit homme sur ses épaules. Et voilà que Flask y était à présent<br />

debout, Daggoo de son bras levé lui fournissant un parapet où<br />

s’appuyer.<br />

C’est toujours un spectacle stupéfiant pour un novice que<br />

de voir l’adresse prestigieuse, rendue machinale par l’habitude,<br />

du baleinier capable de conserver sa position verticale alors<br />

même que sa pirogue tangue sur la mer la plus perfidement agitée.<br />

Mais c’était un spectacle encore plus étrange de le voir, en<br />

de telles circonstances, vertigineusement perché sur le taberin.<br />

Et la vue du petit Flask debout sur les épaules du géant Daggoo<br />

était encore plus curieuse car, avec une aisance tranquille, indifférente,<br />

inconsciente, le noble nègre, dans sa barbare majesté,<br />

accordait le rythme de son corps splendide à celui de la mer. Sur<br />

son large dos, Flask, avec ses cheveux de lin, semblait un flocon<br />

de neige. La monture avait plus de prestance que son cavalier.<br />

Vif, agité, ostentatoire, le petit Flask en venait parfois à frapper<br />

du pied avec impatience, mais la poitrine seigneuriale du nègre<br />

n’en respirait pas moins avec la même régularité, sans à-coups.<br />

J’ai vu ainsi la Passion et la Vanité taper du pied sur la terre vi-<br />

– 321 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!