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Péquod

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peine dur. Il en allait ainsi du pauvre Queequeg qui, en tant que<br />

harponneur, non seulement devait affronter la fureur de la baleine<br />

vivante, mais une fois morte, comme nous l’avons vu, se<br />

tenir sur son dos dans la houle. Enfin il lui fallait descendre<br />

dans les ténèbres de la cale et, suant amèrement tout le jour<br />

dans cette cellule souterraine, se charger résolument des plus<br />

lourds barils et veiller à leur arrimage. Bref les baleiniers appellent<br />

les harponneurs les gens de la cale.<br />

Pauvre Queequeg ! lorsqu’on eût à demi extrait les entrailles<br />

du navire vous auriez dû, en vous penchant sur l’écoutille,<br />

jeter un coup d’œil sur lui tandis que, torse nu sur ses seuls pantalons<br />

de laine, le sauvage tatoué rampait dans la vase humide<br />

tel un lézard moucheté de vert au fond d’un puits. Et c’est bien<br />

un puits ou une glacière que s’avéra être la cale pour lui, le malheureux<br />

païen. Chose étrange, malgré ses suées brûlantes, il prit<br />

un refroidissement terrible qui dégénéra en fièvre et finalement<br />

l’amena, après quelques jours de souffrance sur son hamac, aux<br />

portes mêmes de la mort. Ces quelques jours qui se traînèrent<br />

avec lenteur le virent dépérir et dépérir encore, tant et si bien<br />

qu’il ne parut rester de lui que ses os et ses tatouages ; son visage<br />

s’affina au point que ses pommettes se firent aiguës tandis<br />

que ses yeux, s’élargissant toujours plus, prenaient un éclat<br />

d’une étrange douceur ; du fond de la maladie, ils vous regardaient<br />

avec bénignité et profondeur, merveilleux témoignage en<br />

lui d’une santé immortelle qui ne pouvait pas plus mourir que<br />

s’affaiblir. Et comme des cercles sur les eaux s’agrandissent en<br />

se perdant, ses yeux toujours plus vastes arrondissaient les anneaux<br />

de l’Éternité. Une terreur sacré indicible, vous envahissait<br />

auprès de ce sauvage déclinant, tandis qu’on voyait passer<br />

sur son visage d’étranges choses, telles qu’en virent ceux qui<br />

assistèrent à la mort de Zoroastre. Car l’effrayant mystère de<br />

l’homme n’a jamais été livré par les mots ou par les livres et<br />

l’approche de la mort, qui rend égal tout un chacun et le marque<br />

au sceau d’une ultime révélation, nul n’en pourrait rien dire sinon<br />

un auteur revenu d’entre les morts. De sorte que répétons-<br />

– 652 –

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