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Péquod

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lui, l’Océan est bleu à nouveau. Et pourtant quel est le marin qui<br />

te dira : « Sir, ce n’était point tant la peur de toucher des rochers<br />

invisibles, mais celle de cette hideuse blancheur qui m’a si fort<br />

bouleversé. » ?<br />

Ensuite : Pour l’Indien né au Pérou, la vue continuelle des<br />

howdahs neigeuses des Andes n’engendre point de crainte sauf,<br />

peut-être, s’il rêve de la désolation des glaces éternelles qui emprisonnent<br />

ces altitudes et que lui vienne cette idée toute naturelle<br />

de l’horreur qu’il y aurait à se trouver perdu dans de si inhumaines<br />

solitudes. Il en va ainsi du coureur des bois de l’Ouest<br />

qui peut contempler, avec une relative indifférence, la prairie<br />

couverte de neige jusqu’à l’infini sans que l’ombre d’un arbre,<br />

fût-ce d’un rameau, vienne briser l’extase figée de sa blancheur.<br />

Il n’en va pas du tout de même du marin qui, dans les mers antarctiques,<br />

contemple parfois les puissances du gel et de l’air<br />

accomplissant d’une manière infernale quelque tour de magie<br />

blanche tandis que, grelottant et à demi naufragé, au lieu de<br />

l’arc-en-ciel de l’espérance et de la consolation, il ne voit que le<br />

mirage d’un cimetière sans limites dont les monuments de glace<br />

efflanqués et les croix brisées se rient de sa misère.<br />

Mais, vas-tu penser, ce chapitre de céruse sur la blancheur<br />

n’est que le pavillon blanc hissé par une âme poltronne, tu rends<br />

les armes à l’hypocondrie, Ismaël.<br />

Dites-moi pourquoi ce jeune et vigoureux poulain qui a vu<br />

le jour dans une vallée paisible du Vermont, loin de toutes bêtes<br />

de proie, si, au jour le plus radieux, vous agitez seulement derrière<br />

lui la peau d’un bison fraîchement tué, de façon à ce qu’il<br />

ne puisse la voir mais que seule lui parvienne sa sauvage odeur<br />

de musc, pourquoi tressaillira-t-il, renâclera-t-il, et, les yeux<br />

exorbités, grattera-t-il le sol dans les transes de la terreur ? Sa<br />

verte terre natale du nord ne lui accorde aucun souvenir de cornes<br />

meurtrières, et l’étrange parfum musqué ne peut lui rappe-<br />

– 287 –

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