25.06.2013 Views

Péquod

Péquod

Péquod

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

auraient pu dans leurs années à venir rêver d’un héros vénérable,<br />

tout en ayant des moyens d’existence. Mais la Mort terrassa<br />

un vertueux frère aîné dont le chantant travail quotidien faisait<br />

vivre une autre famille et laissa debout le vieil homme néfaste,<br />

plus qu’inutile, afin que la hideuse pourriture de la vie en fît une<br />

moisson plus aisée.<br />

Pourquoi tout raconter ? Le marteau du sous-sol espaça<br />

chaque jour ses coups devenus chaque jour plus faibles, la<br />

femme assise, gelée à la fenêtre, contemplait avec des yeux brillants<br />

mais sans larmes les visages en pleurs de ses enfants. Le<br />

soufflet se tut, la forge étouffa sous les cendres, la maison fut<br />

vendue, la mère plongea sous l’herbe haute du cimetière, deux<br />

de ses enfants l’y suivirent et le vieil homme, sans famille et<br />

sans toit, s’en fut titubant, vagabond en crêpe de deuil, cinglé de<br />

mépris à cause de sa douleur, de sa tête grise insultant aux boucles<br />

blondes !<br />

La Mort seule paraît souhaitable au couronnement d’une<br />

telle carrière, mais la Mort n’est qu’un saut dans une région impénétrée,<br />

elle n’est que la salutation première à l’éventualité de<br />

l’immensité lointaine, désertique, liquide, sans rivages. À de tels<br />

hommes qui convoitent la mort d’un regard fervent, que des<br />

scrupules retiennent devant le suicide, l’Océan, tout offrande,<br />

tout compréhension, ouvre la séduction de sa vaste plaine aux<br />

terreurs fascinantes et inimaginables, aux aventures étonnantes<br />

d’une vie neuve et du sein des Pacifiques infinis, des milliers de<br />

sirènes lui chantent : « Viens, cœur brisé, voici une vie nouvelle<br />

sans le péché d’une mort dérobée, voici de surnaturelles merveilles,<br />

il n’est point besoin de mourir pour les posséder. Viens !<br />

Ensevelis-toi dans une vie qui, face à ce monde de la terre qui<br />

désormais te hait comme tu le hais, apporte plus d’oubli que la<br />

mort. Viens ! Creuse ta tombe au cimetière et viens jusqu’à ce<br />

que nous t’épousions ! »<br />

– 662 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!