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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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malheureuse situation provient d’une seu<strong>le</strong> chose : <strong>le</strong> total<br />

manque de bon sens de Takezō.<br />

— Tu <strong>le</strong> hais, toi aussi ?<br />

— Je l’ai en horreur ! J’abhorre sa stupidité ! Si j’étais <strong>le</strong><br />

seigneur de la province, je lui ferais subir <strong>le</strong> pire châtiment que<br />

je pourrais inventer. En vérité, pour l’exemp<strong>le</strong>, je <strong>le</strong> ferais<br />

écarte<strong>le</strong>r. Après tout, il ne vaut pas mieux qu’une bête sauvage,<br />

hein ? Un seigneur de province ne saurait se perm<strong>et</strong>tre la<br />

générosité envers <strong>le</strong>s pareils de Takezō, même s’il n’est aux yeux<br />

de certains qu’une jeune brute. Ce serait au détriment de l’ordre<br />

public, ce qui ne vaut rien, surtout en ces temps troublés.<br />

— Je t’ai toujours cru bon, Takuan, mais au fond de toimême<br />

tu es très dur, n’est-ce pas ? Je ne pensais pas que tu te<br />

souciais des lois du daimyō.<br />

— Eh bien, si. J’estime qu’il faut récompenser <strong>le</strong> bien, punir<br />

<strong>le</strong> mal, <strong>et</strong> je suis venu ici précisément pour cela.<br />

— Oh ! qu’est-ce que c’était ? cria Otsū en se re<strong>le</strong>vant d’un<br />

bond de sa place auprès du feu. Tu n’as pas entendu ? C’était un<br />

froissement, comme des pas sous ces arbres, là-bas.<br />

— Des pas ?<br />

Takuan, lui aussi, se mit aux agu<strong>et</strong>s ; mais après avoir<br />

écouté avec attention quelques instants, il éclata de rire :<br />

— ... Ha ! ha ! ha ! Ce ne sont que des singes. Regarde !<br />

Ils pouvaient distinguer <strong>le</strong>s silhou<strong>et</strong>tes d’un grand singe <strong>et</strong><br />

d’un p<strong>et</strong>it, qui se balançaient dans <strong>le</strong>s arbres. Otsū, visib<strong>le</strong>ment<br />

soulagée, se rassit.<br />

— Ouf, j’ai failli mourir de peur !<br />

Durant <strong>le</strong>s deux heures qui suivirent, ils restèrent assis en<br />

si<strong>le</strong>nce, <strong>le</strong>s yeux fixés sur <strong>le</strong> feu. Lorsqu’il baissait, Takuan<br />

cassait des branches sèches qu’il j<strong>et</strong>ait dessus.<br />

— A quoi penses-tu, Otsū ?<br />

— Moi ?<br />

— Oui, toi. J’ai beau ne faire que ça, en réalité j’ai horreur<br />

de me faire à moi-même la conversation.<br />

<strong>La</strong> fumée plissait <strong>le</strong>s yeux d’Otsū. Regardant <strong>le</strong> ciel étoilé,<br />

el<strong>le</strong> parla doucement :<br />

— J’étais en train de me dire que <strong>le</strong> monde est bien étrange.<br />

Toutes ces étoi<strong>le</strong>s, là-haut, dans l’obscurité vide... non, ce n’est<br />

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