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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Je t’aime bien aussi.<br />

— Vrai ?<br />

Les parties du visage de Jōtarō qui apparaissaient entre <strong>le</strong>s<br />

plaques d’onguent s’empourprèrent, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s joues de Kocha<br />

s’enflammèrent discrètement. Il n’y avait personne a<strong>le</strong>ntour. Le<br />

so<strong>le</strong>il brillait à travers <strong>le</strong>s f<strong>le</strong>urs de pêcher.<br />

— ... Ton maître ne va sans doute pas tarder à s’en al<strong>le</strong>r,<br />

n’est-ce pas ? demanda-t-el<strong>le</strong> avec une certaine déception.<br />

— Nous resterons ici encore un moment, répondit-il,<br />

rassurant.<br />

— Je voudrais que tu puisses rester un an ou deux.<br />

Tous deux allèrent dans <strong>le</strong> hangar où l’on entreposait <strong>le</strong><br />

fourrage des chevaux, <strong>et</strong> se couchèrent sur <strong>le</strong> dos, dans <strong>le</strong> foin.<br />

Leurs mains se touchaient, ce qui é<strong>le</strong>ctrisait Jōtarō. Soudain, il<br />

attira la main de Kocha, <strong>et</strong> lui mordit <strong>le</strong> doigt.<br />

— Aïe !<br />

— Je t’ai fait mal ? Pardon.<br />

— Non, ça va. Recommence.<br />

— Tu ne m’en veux pas ?<br />

— Non, non, continue, mords ! Mords plus fort !<br />

Il obéit, <strong>et</strong> lui mordilla <strong>le</strong>s doigts comme un chiot. Le foin<br />

<strong>le</strong>ur tombait sur la tête ; bientôt, ils furent dans <strong>le</strong>s bras l’un de<br />

l’autre, lorsque <strong>le</strong> père de Kocha vint à <strong>le</strong>ur recherche. Horrifié<br />

par ce qu’il vit, son visage prit l’expression sévère d’un sage<br />

confucianiste.<br />

— Espèces d’idiots, qu’est-ce que vous fabriquez là ? Vous<br />

n’êtes encore que des enfants, tous <strong>le</strong>s deux !<br />

Il <strong>le</strong>s sortit par la peau du cou, <strong>et</strong> donna à Kocha deux<br />

bonnes claques sur <strong>le</strong> derrière.<br />

Le restant de la journée, Musashi ne dit presque pas un mot<br />

à quiconque. Assis <strong>le</strong>s bras croisés, il réfléchissait.<br />

A un certain moment, au milieu de la nuit, Jōtarō s’éveilla<br />

<strong>et</strong>, <strong>le</strong>vant un peu la tête, regarda son maître à la dérobée.<br />

Musashi était couché dans son lit, ses yeux grands ouverts fixés<br />

au plafond dans une intense concentration.<br />

Le <strong>le</strong>ndemain matin, Musashi fit bande à part. Jōtarō eut<br />

peur ; peut-être que son maître avait appris ses jeux avec Kocha<br />

dans <strong>le</strong> hangar. Mais il n’en fut pas question. Tard dans l’après-<br />

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