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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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En regardant <strong>le</strong>s yeux <strong>et</strong> la naissance des cheveux de sa<br />

tante, il songeait à sa mère. Si el<strong>le</strong> avait été encore vivante, el<strong>le</strong><br />

aurait sûrement eu à peu près la tail<strong>le</strong> de c<strong>et</strong>te femme <strong>et</strong> sa voix.<br />

— Tu es venu me voir ? demanda-t-el<strong>le</strong>, incrédu<strong>le</strong>.<br />

— Oui. Je regr<strong>et</strong>te d’arriver à l’improviste.<br />

Sa tante agita la main devant son visage en un geste de rej<strong>et</strong>.<br />

— Eh bien, tu m’as vue ; aussi, restons-en là. Je t’en prie, vat’en<br />

!<br />

Abasourdi par c<strong>et</strong>te réception glacia<strong>le</strong>, il explosa :<br />

— Pourquoi me dis-tu cela ? Si tu veux que je m’en ail<strong>le</strong>, je<br />

m’en irai, mais je ne comprends pas pourquoi. Ai-je fait quelque<br />

chose que tu désapprouves ? Si oui, dis-moi au moins ce que<br />

c’est.<br />

Sa tante paraissait peu désireuse de répondre.<br />

— Puisque tu es là, pourquoi ne pas venir à la maison dire<br />

bonjour à ton onc<strong>le</strong> ? Mais tu sais comment il est ; ne sois donc<br />

pas déçu par ce qu’il risque de dire. Je suis ta tante, <strong>et</strong>, puisque<br />

tu es venu nous voir, je ne veux pas que tu repartes avec de la<br />

rancune.<br />

Musashi se consola comme il put avec ces paro<strong>le</strong>s, <strong>et</strong><br />

accompagna sa tante jusque chez el<strong>le</strong> ; il attendit dans la sal<strong>le</strong><br />

du devant tandis qu’el<strong>le</strong> annonçait la nouvel<strong>le</strong> à son mari. Il<br />

pouvait entendre à travers <strong>le</strong> shoji la voix asthmatique <strong>et</strong><br />

bougonne de son onc<strong>le</strong>, appelé Matsuo Kaname.<br />

— Quoi ? s’écriait Kaname avec humeur. Le fils de Munisai<br />

ici ?... Je craignais bien qu’il ne débarquât tôt ou tard. Tu veux<br />

dire qu’il est ici même, dans c<strong>et</strong>te maison ? Tu l’as laissé entrer<br />

sans me <strong>le</strong> demander ?<br />

C’en était trop ; mais quand Musashi appela sa tante afin de<br />

lui dire adieu, Kaname s’écria : « Alors, tu es là ? », <strong>et</strong> ouvrit la<br />

porte coulissante. Son visage exprimait non l’irritation mais un<br />

mépris total : celui que réservent <strong>le</strong>s gens des vil<strong>le</strong>s à <strong>le</strong>urs<br />

parents mal lavés de la campagne. On eût dit qu’une vache,<br />

entrée à pas pesants, avait planté ses sabots sur <strong>le</strong> tatami.<br />

— ... Pourquoi es-tu venu ? demanda Kaname.<br />

— Je me trouvais en vil<strong>le</strong>. J’ai cru devoir prendre de tes<br />

nouvel<strong>le</strong>s.<br />

— C’est faux !<br />

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