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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Convaincue par <strong>le</strong> peu qu’avait dit l’enfant que Musashi était<br />

bien Takezō, el<strong>le</strong> brûlait de <strong>le</strong> revoir. El<strong>le</strong> connaissait <strong>le</strong>s mœurs<br />

de sa mère ; el<strong>le</strong> avait assisté au naufrage de Matahachi. Dès <strong>le</strong><br />

départ, el<strong>le</strong> avait préféré Takezō ; depuis lors, el<strong>le</strong> avait de plus<br />

en plus confiance en la justesse de son choix. El<strong>le</strong> se réjouissait<br />

de n’être pas mariée encore. Takezō... il était si différent de<br />

Matahachi !<br />

El<strong>le</strong> avait souvent pris la résolution de ne jamais finir avec<br />

des hommes tels que ceux qui buvaient toujours à la maison de<br />

thé. El<strong>le</strong> <strong>le</strong>s méprisait, s’accrochait solidement à l’image de<br />

Takezō. Au fond de son cœur, el<strong>le</strong> caressait <strong>le</strong> rêve de <strong>le</strong><br />

r<strong>et</strong>rouver ; lui, <strong>et</strong> lui seul, était l’amant auquel el<strong>le</strong> songeait<br />

lorsqu’el<strong>le</strong> se chantait à el<strong>le</strong>-même des chansons d’amour.<br />

Sa mission remplie, Jōtarō déclara :<br />

— ... Eh bien, maintenant, je dois me sauver. Si vous<br />

rem<strong>et</strong>tez la main sur Matahachi, répétez-lui bien ce que je vous<br />

ai dit.<br />

Il s’éloigna en trottinant <strong>le</strong> long de l’étroit somm<strong>et</strong> de la<br />

berge.<br />

Le char à bœufs était chargé d’une montagne de sacs<br />

contenant du riz peut-être, ou des <strong>le</strong>ntil<strong>le</strong>s, ou quelque autre<br />

produit local. Au somm<strong>et</strong> de la pi<strong>le</strong>, un écriteau annonçait qu’il<br />

s’agissait d’une contribution envoyée par de fidè<strong>le</strong>s bouddhistes<br />

au grand Kōfukuji de Nara. Même Jōtarō avait entendu par<strong>le</strong>r<br />

de ce temp<strong>le</strong>, car son nom était pratiquement synonyme de<br />

Nara.<br />

Une joie enfantine éclaira <strong>le</strong> visage de Jōtarō. Il courut<br />

après <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong>, <strong>et</strong> grimpa à l’arrière. Assis contre <strong>le</strong> sens de la<br />

marche, il y avait juste assez de place. Surcroît de luxe : il<br />

pouvait s’adosser aux sacs.<br />

Des deux côtés de la route, <strong>le</strong>s collines vallonnées étaient<br />

couvertes de rangées régulières de théiers. Les cerisiers avaient<br />

commencé de f<strong>le</strong>urir. Les fermiers cultivaient <strong>le</strong>ur orge... en<br />

priant, pour que c<strong>et</strong>te année encore <strong>le</strong>ur fût épargné <strong>le</strong><br />

piétinement des soldats <strong>et</strong> des chevaux. Des femmes,<br />

agenouillées au bord des ruisseaux, lavaient <strong>le</strong>urs légumes. <strong>La</strong><br />

grand-route de Yamato était en paix.<br />

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