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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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fois qu’el<strong>le</strong> entendait approcher quelqu’un, el<strong>le</strong> s’élançait audehors<br />

pour demander si l’on n’avait pas encore trouvé son fils.<br />

Au coucher du so<strong>le</strong>il, pas encore découragée, el<strong>le</strong> plaça une<br />

chandel<strong>le</strong> devant <strong>le</strong>s tabl<strong>et</strong>tes commémoratives des ancêtres de<br />

son mari. El<strong>le</strong> s’assit, apparemment abîmée dans la prière,<br />

immobi<strong>le</strong> comme une statue. Puisque tout <strong>le</strong> monde était encore<br />

au-dehors à chercher, il n’y eut point de repas du soir à la<br />

maison, <strong>et</strong> quand la nuit tomba sans apporter encore de<br />

nouvel<strong>le</strong>s, Osugi finit par bouger. Comme en transe, el<strong>le</strong> sortit<br />

<strong>le</strong>ntement de la maison jusqu’au portail du devant. Là, debout,<br />

el<strong>le</strong> attendit, cachée dans <strong>le</strong>s ténèbres. Une lune de pluie brillait<br />

à travers <strong>le</strong>s branches des chênes, <strong>et</strong> une brume blanche voilait<br />

<strong>le</strong>s montagnes spectra<strong>le</strong>s, devant <strong>et</strong> derrière la maison. Le<br />

parfum douceâtre des f<strong>le</strong>urs de poirier flottait dans l’air.<br />

Le temps coulait sans que la vieil<strong>le</strong> femme y prît garde. Puis<br />

el<strong>le</strong> distingua une silhou<strong>et</strong>te qui s’approchait, longeant <strong>le</strong> verger<br />

aux poiriers. Reconnaissant Otsū, Osugi l’appela, <strong>et</strong> la jeune fil<strong>le</strong><br />

accourut vers el<strong>le</strong> ; ses sanda<strong>le</strong>s mouillées collaient à la terre.<br />

— Otsū ! L’on m’a dit que tu avais vu Takezō. Est-ce vrai ?<br />

— Oui, je suis sûre que c’était lui. Je l’ai reconnu dans la<br />

fou<strong>le</strong>, devant <strong>le</strong> temp<strong>le</strong>.<br />

— Tu n’as pas vu Matahachi ?<br />

— Non. Je me suis précipitée pour interroger Takezō à son<br />

suj<strong>et</strong>, mais quand je l’ai appelé, Takezō a fait un bond de lièvre<br />

effrayé. J’ai rencontré son regard une seconde, <strong>et</strong> il a disparu. Il<br />

a toujours été bizarre, mais je ne comprends pas pourquoi il<br />

s’est enfui comme ça.<br />

— Enfui ? répéta Osugi, perp<strong>le</strong>xe.<br />

El<strong>le</strong> se mit à rêver là-dessus, <strong>et</strong>, tandis qu’el<strong>le</strong> réfléchissait,<br />

un terrib<strong>le</strong> soupçon se forma dans son esprit. Il devenait clair à<br />

ses yeux que <strong>le</strong> fils Shimmen, ce vaurien de Takezō qu’el<strong>le</strong><br />

haïssait tel<strong>le</strong>ment pour avoir entraîné son précieux Matahachi à<br />

la guerre, avait encore fait des siennes.<br />

El<strong>le</strong> finit par s’écrier d’un ton menaçant :<br />

— Le misérab<strong>le</strong> ! Il aura laissé notre pauvre Matahachi<br />

mourir quelque part ; après quoi, il sera furtivement rentré sain<br />

<strong>et</strong> sauf. Un lâche, voilà ce qu’il est !<br />

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