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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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transporter son corps dans l’autre champ. Il a dit que vous <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />

autres étiez là-bas depuis l’aube, mais que je ne devais en aucun<br />

cas souff<strong>le</strong>r mot à personne de quoi que ce soit avant la fin du<br />

combat. Il a dit qu’il y avait des moments où celui qui étudie<br />

l’Art de la guerre n’a d’autre choix que de risquer la défaite, <strong>et</strong><br />

qu’il ne voulait pas gagner par des moyens déshonorants <strong>et</strong><br />

lâches. Après quoi, il s’est avancé pour affronter Musashi.<br />

Tamihachi parlait rapidement, soulagé de raconter son<br />

histoire.<br />

— Et alors ?<br />

— Je pouvais voir la figure de Musashi. Il avait l’air de<br />

sourire légèrement. Tous deux ont échangé des espèces de<br />

salutations. Et puis... <strong>et</strong> puis il y a eu un cri. Ça s’entendait d’un<br />

bout à l’autre du champ. J’ai vu <strong>le</strong> <strong>sabre</strong> de bois du Jeune Maître<br />

vo<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s airs, <strong>et</strong> puis... seul, Musashi restait debout. Il<br />

portait un serre-tête orange, mais ses cheveux étaient hérissés.<br />

<strong>La</strong> route avait été débarrassée des curieux. Les porteurs du<br />

vol<strong>et</strong>, bien qu’abattus, veillaient scrupu<strong>le</strong>usement à la régularité<br />

de <strong>le</strong>urs pas, de manière à éviter d’augmenter <strong>le</strong>s souffrances du<br />

b<strong>le</strong>ssé.<br />

— Qu’est-ce que c’est que ça ?<br />

Ils s’arrêtèrent, <strong>et</strong> l’un des hommes du premier rang porta<br />

sa main libre à son cou. Un autre <strong>le</strong>va <strong>le</strong>s yeux vers <strong>le</strong> ciel. Des<br />

aiguil<strong>le</strong>s de pin séchées p<strong>le</strong>uvaient sur Seijūrō. Perché sur une<br />

branche, au-dessus d’eux, <strong>le</strong> singe de Kojirō écarquillait <strong>le</strong>s yeux<br />

en faisant des gestes obscènes.<br />

— Aïe ! cria l’un des hommes.<br />

Une pomme de pin était tombée sur son visage. Avec un<br />

juron, il arracha son styl<strong>et</strong> de sa gaine <strong>et</strong> <strong>le</strong> lança dans un éclair<br />

au singe, mais rata son but.<br />

Au siff<strong>le</strong>ment de son maître, l’animal pirou<strong>et</strong>ta <strong>et</strong> lui bondit<br />

légèrement sur l’épau<strong>le</strong>. Kojirō se tenait dans l’ombre, Akemi à<br />

son côté. Sous <strong>le</strong>s yeux p<strong>le</strong>ins de ressentiment des hommes de<br />

l’éco<strong>le</strong> Yoshioka, Kojirō regardait fixement <strong>le</strong> corps étendu sur<br />

<strong>le</strong> vol<strong>et</strong>. Une expression de respect remplaçait son sourire<br />

dédaigneux. Les plaintes déchirantes de Seijūrō <strong>le</strong> faisaient<br />

grimacer. Ses remontrances encore toutes fraîches dans <strong>le</strong>ur<br />

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