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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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meil<strong>le</strong>urs amis du monde. Même la dignité de c<strong>et</strong> homme avait<br />

quelque chose d’oppressant. Ni l’envie ni l’esprit de compétition<br />

de Matahachi ne pouvaient lui éviter la conscience douloureuse<br />

de sa propre incapacité.<br />

— Courage ! dit Musashi.<br />

Mais tout en administrant une claque sur l’épau<strong>le</strong> à<br />

Matahachi, il sentait la faib<strong>le</strong>sse de c<strong>et</strong> homme.<br />

— ... Ce qui est fait est fait. Oublie <strong>le</strong> passé ! <strong>le</strong> pressait-il. Tu<br />

as perdu cinq ans, <strong>et</strong> puis après ? Ça veut dire uniquement que<br />

tu prends <strong>le</strong> départ cinq ans plus tard. Ces cinq ans peuvent, à<br />

<strong>le</strong>ur manière, comporter une <strong>le</strong>çon précieuse.<br />

— Ils étaient minab<strong>le</strong>s.<br />

— Ah ! j’oubliais. Je viens de quitter ta mère.<br />

— Tu as vu ma mère ?<br />

— Oui. Je dois dire que je n’arrive pas à comprendre<br />

pourquoi tu n’as pas davantage hérité sa force <strong>et</strong> sa ténacité.<br />

Non plus, se disait-il à part soi, qu’il ne pouvait comprendre<br />

pourquoi Osugi avait un fils pareil, si paresseux <strong>et</strong> p<strong>le</strong>in<br />

d’apitoiement sur soi-même. Il avait envie de <strong>le</strong> secouer en lui<br />

rappelant quel<strong>le</strong> chance était <strong>le</strong> simp<strong>le</strong> fait d’avoir une mère. Les<br />

yeux fixés sur Matahachi, il se demandait ce qui pourrait apaiser<br />

la colère d’Osugi. <strong>La</strong> réponse vint aussitôt : que Matahachi fît<br />

seu<strong>le</strong>ment quelque chose de lui-même...<br />

— ... Matahachi, dit-il avec so<strong>le</strong>nnité, pourquoi donc, alors<br />

que tu as une mère comme la tienne, n’essaies-tu pas de faire<br />

quelque chose pour la rendre heureuse ? N’ayant point de<br />

parents, je ne peux m’empêcher d’avoir <strong>le</strong> sentiment que tu n’es<br />

pas aussi reconnaissant que tu devrais l’être. Ce n’est pas que tu<br />

ne témoignes point assez de respect à ta mère. Mais en quelque<br />

sorte, bien que tu jouisses de la plus grande bénédiction que<br />

puisse avoir un être, tu parais t’en soucier comme d’une guigne.<br />

Si j’avais une mère comme la tienne, je serais beaucoup plus<br />

désireux de m’améliorer <strong>et</strong> de faire quelque chose qui en valût<br />

vraiment la peine, du simp<strong>le</strong> fait qu’il y aurait quelqu’un pour<br />

partager mon bonheur. Nul ne se réjouit des hauts faits d’un<br />

être autant que ses parents... J’ai peut-être l’air de proférer des<br />

platitudes moralisatrices. Mais de la part d’un vagabond tel que<br />

moi, il ne s’agit pas de cela. Tu ne saurais te faire une idée du<br />

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