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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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J’épouse Matahachi, <strong>et</strong> l’adopte au sein de ma famil<strong>le</strong>. Pourtant,<br />

il paraît toujours s’inquiéter de vous. Je crois que cela serait une<br />

erreur que de laisser <strong>le</strong>s choses dans l’état où el<strong>le</strong>s se trouvent. Il<br />

vous envoie donc une explication dont j’atteste ici la vérité.<br />

Je vous prie d’oublier Matahachi.<br />

Respectueusement.<br />

Okō.<br />

L’autre l<strong>et</strong>tre, gribouillée par Matahachi, expliquait avec<br />

une prolixité fastidieuse <strong>le</strong>s raisons qui lui rendaient impossib<strong>le</strong><br />

de rentrer chez lui. Le sens de l’épitre était bien entendu<br />

qu’Otsū devait oublier ses fiançail<strong>le</strong>s avec lui, <strong>et</strong> trouver un<br />

autre époux. Matahachi ajoutait qu’il lui était « diffici<strong>le</strong> »<br />

d’écrire directement à sa mère à ce suj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> qu’il serait obligé à<br />

Otsū de l’aider. Si Otsū rencontrait la vieil<strong>le</strong> femme, el<strong>le</strong> devait<br />

lui dire que son fils était vivant, en bonne santé, <strong>et</strong> résidait dans<br />

une autre province.<br />

Otsū sentit son sang se glacer dans ses veines. El<strong>le</strong><br />

demeurait assise là, interdite, trop choquée pour p<strong>le</strong>urer ou<br />

même pour battre des paupières. Les ong<strong>le</strong>s des doigts qui<br />

tenaient la l<strong>et</strong>tre devinrent de la même cou<strong>le</strong>ur que la peau du<br />

mort qu’el<strong>le</strong> avait vu moins d’une heure auparavant.<br />

Les heures s’écoulèrent. Tout <strong>le</strong> monde, à la cuisine,<br />

commença de se demander où el<strong>le</strong> était passée. Le capitaine qui<br />

dirigeait <strong>le</strong>s recherches se contentait de laisser dormir dans <strong>le</strong>s<br />

bois ses hommes épuisés, mais quand lui-même regagnait <strong>le</strong><br />

temp<strong>le</strong> au crépuscu<strong>le</strong>, il exigeait <strong>le</strong>s réconforts qui convenaient à<br />

son rang. Il fallait chauffer <strong>le</strong> bain à tel<strong>le</strong> température précise,<br />

préparer selon ses directives du poisson frais de la rivière, <strong>et</strong><br />

quelqu’un devait al<strong>le</strong>r chercher du saké de la meil<strong>le</strong>ure qualité<br />

dans l’une des demeures du village. Le bien-être de c<strong>et</strong> homme<br />

nécessitait beaucoup de travail, dont une bonne part incombait<br />

naturel<strong>le</strong>ment à Otsū. Comme el<strong>le</strong> demeurait introuvab<strong>le</strong>, <strong>le</strong><br />

dîner du capitaine fut en r<strong>et</strong>ard.<br />

Takuan sortit à sa recherche. Il ne se souciait pas <strong>le</strong> moins<br />

du monde du capitaine mais commençait à s’inquiéter au suj<strong>et</strong><br />

d’Otsū el<strong>le</strong>-même. Cela ne lui ressemblait nul<strong>le</strong>ment de partir<br />

sans un mot. En l’appelant, <strong>le</strong> moine traversa <strong>le</strong> jardin du<br />

temp<strong>le</strong>, <strong>et</strong> passa plusieurs fois à côté de l’atelier de tissage.<br />

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