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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Takuan <strong>et</strong> <strong>le</strong> seigneur Karasumaru étaient de vieux amis qui<br />

avaient de nombreux goûts communs : la poésie, <strong>le</strong> Zen, la<br />

boisson <strong>et</strong> même la politique. Vers la fin de l’année précédente,<br />

Takuan avait reçu une l<strong>et</strong>tre l’invitant à passer à Kyoto <strong>le</strong>s fêtes<br />

du Nouvel An. « Vous me paraissez claquemuré dans un p<strong>et</strong>it<br />

temp<strong>le</strong> campagnard, écrivait Mitsuhiro. Ne rêvez-vous pas de la<br />

capita<strong>le</strong>, de bon saké de Nada, de la compagnie de bel<strong>le</strong>s<br />

femmes, de la vue des p<strong>et</strong>its pluviers au bord de la rivière<br />

Kamo ? Si vous aimez dormir, je suppose qu’il est bon de<br />

pratiquer votre Zen à la campagne ; mais si vous désirez<br />

quelque chose de plus animé, alors venez ici, en société.<br />

Ressentez-vous quelque nostalgie de la capita<strong>le</strong> ? Alors,<br />

n’hésitez pas à venir nous voir. »<br />

Peu de temps après son arrivée, au début de la nouvel<strong>le</strong><br />

année, Takuan fut très surpris de voir Jōtarō jouer dans la cour.<br />

Il apprit en détail, par Mitsuhiro, ce que l’enfant faisait là ; puis<br />

Jōtarō l’informa que l’on était sans nouvel<strong>le</strong>s d’Otsū depuis<br />

qu’Osugi avait pris la jeune fil<strong>le</strong> dans ses griffes, au Jour de l’An.<br />

Le matin qui avait suivi son r<strong>et</strong>our, Otsū avait été prise de<br />

fièvre <strong>et</strong> se trouvait encore au lit, soignée par Jōtarō assis tout <strong>le</strong><br />

jour à son chev<strong>et</strong>, lui rafraîchissant <strong>le</strong> front avec des servi<strong>et</strong>tes<br />

humides, <strong>et</strong> dosant ses médicaments aux heures qu’il fallait.<br />

Malgré sa grande envie de partir, Takuan ne <strong>le</strong> pouvait<br />

guère avant son hôte ; or, Mitsuhiro semblait de plus en plus<br />

absorbé par <strong>le</strong> concours de boisson.<br />

Les deux hommes étant de vieux combattants, <strong>le</strong> concours<br />

paraissait destiné à se terminer en match nul, ce qui fut <strong>le</strong> cas.<br />

Ils n’en continuèrent pas moins à boire, l’un en face de l’autre,<br />

genou contre genou, en bavardant avec animation. Takuan<br />

ignorait si ce bavardage avait pour suj<strong>et</strong> <strong>le</strong> pouvoir aux mains de<br />

la classe militaire, la va<strong>le</strong>ur intrinsèque de la nob<strong>le</strong>sse ou <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />

des marchands dans <strong>le</strong> développement du commerce extérieur,<br />

mais de toute évidence il s’agissait de quelque chose de très<br />

sérieux. Takuan <strong>le</strong>va la tête du genou de Sumigiku, <strong>et</strong>, sans<br />

ouvrir <strong>le</strong>s yeux, s’appuya contre un montant de l’alcôve ; de<br />

temps à autre, une bribe de conversation <strong>le</strong> faisait sourire.<br />

Bientôt, Mitsuhiro demanda, d’un ton vexé :<br />

— Où donc est Nobutada ? Il est rentré chez lui ?<br />

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