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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Avec une grande force <strong>et</strong> un calme parfait, el<strong>le</strong> continua :<br />

— ... Si dans ton cœur tu veux bien me considérer comme ta<br />

fiancée, cela me suffit, c’est une joie <strong>et</strong> une bénédiction que moi<br />

seu<strong>le</strong>, entre toutes <strong>le</strong>s femmes, possède. Tu disais que tu ne<br />

voulais pas me rendre malheureuse. Je puis t’assurer que je ne<br />

mourrai point parce que je suis malheureuse. Il y a des gens qui<br />

semb<strong>le</strong>nt croire que je n’ai pas de chance ; pourtant, je n’ai pas<br />

du tout c<strong>et</strong>te impression. J’attends avec plaisir <strong>le</strong> jour où je<br />

mourrai. Ce sera comme un glorieux matin où <strong>le</strong>s oiseaux<br />

chantent. Je partirai aussi heureuse que si je me rendais à mes<br />

noces.<br />

Presque à bout de souff<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> croisa <strong>le</strong>s bras sur sa poitrine<br />

<strong>et</strong> <strong>le</strong>va des yeux satisfaits, comme captivée par un songe<br />

délicieux.<br />

<strong>La</strong> lune semblait décliner rapidement. Bien que ce ne fût<br />

pas l’aube encore, la brume avait commencé de se <strong>le</strong>ver à<br />

travers <strong>le</strong>s arbres.<br />

Le si<strong>le</strong>nce fut rompu par un cri affreux qui déchira l’air. Cela<br />

venait de la falaise où Jōtarō était précédemment grimpé.<br />

Réveillée en sursaut de ses rêves, Otsū porta son regard au<br />

somm<strong>et</strong> de la falaise. Musashi choisit c<strong>et</strong> instant pour partir.<br />

Sans un mot, simp<strong>le</strong>ment, il s’écarta de la jeune fil<strong>le</strong> <strong>et</strong> s’éloigna<br />

vers son rendez-vous avec la mort.<br />

Avec un cri étouffé, Otsū <strong>le</strong> suivit en courant de quelques<br />

pas. Musashi la précédait, courant aussi ; il se r<strong>et</strong>ourna pour<br />

dire :<br />

— Je comprends ce que tu éprouves, Otsū ; mais je t’en prie,<br />

ne meurs pas lâchement. A cause de ton chagrin, ne te laisse pas<br />

t’enfoncer dans la vallée de la mort <strong>et</strong> succomber comme un être<br />

débi<strong>le</strong>. Guéris d’abord, <strong>et</strong> puis réfléchis. Je ne gaspil<strong>le</strong> pas ma<br />

vie pour une cause inuti<strong>le</strong>. J’ai choisi de faire ce que je fais parce<br />

qu’en mourant je peux obtenir la vie éternel<strong>le</strong>. A une condition :<br />

mon corps peut devenir poussière, mais je serai toujours vivant.<br />

Il reprit son souff<strong>le</strong> <strong>et</strong> ajouta une mise en garde :<br />

— ... Tu m’écoutes ? En essayant de me suivre dans la mort,<br />

tu risques de constater que tu meurs seu<strong>le</strong>. Tu risques de me<br />

chercher dans l’au-delà, à seu<strong>le</strong> fin de trouver que je n’y suis<br />

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