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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Musashi avait honte d’accepter <strong>le</strong> très beau kimono, ainsi<br />

que ce masque, que la veuve paraissait chérir. Il eût aimé faire<br />

quelque chose en r<strong>et</strong>our ; mais il était évident qu’el<strong>le</strong> n’avait pas<br />

besoin d’argent – sûrement pas de la p<strong>et</strong>ite somme qu’il aurait<br />

pu lui offrir –, <strong>et</strong> aucune de ses maigres possessions n’eût fait<br />

un cadeau convenab<strong>le</strong>. Il descendit <strong>le</strong>s marches, la pria<br />

d’excuser la grossièr<strong>et</strong>é de Jōtarō, <strong>et</strong> tenta de lui restituer <strong>le</strong><br />

masque.<br />

Mais la veuve lui répondit :<br />

— Non, en y réfléchissant bien, je crois que je serais plus<br />

heureuse sans. Et Jōtarō <strong>le</strong> désire si fort... Ne soyez pas trop dur<br />

avec lui.<br />

Soupçonnant que <strong>le</strong> masque avait pour el<strong>le</strong> une signification<br />

particulière, Musashi essaya une fois de plus de <strong>le</strong> lui rendre ;<br />

mais entre-temps Jōtarō avait mis ses sanda<strong>le</strong>s de pail<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

attendait au-dehors, à côté du portail, l’air satisfait. Musashi,<br />

pressé de partir, céda à la bonté de son hôtesse <strong>et</strong> accepta son<br />

cadeau. <strong>La</strong> jeune veuve déclara qu’el<strong>le</strong> regr<strong>et</strong>tait plus de voir<br />

partir Musashi que de perdre <strong>le</strong> masque, <strong>et</strong> <strong>le</strong> supplia à<br />

plusieurs reprises de revenir séjourner chez el<strong>le</strong> chaque fois<br />

qu’il se trouverait à Nara.<br />

Musashi attachait <strong>le</strong>s lanières de ses sanda<strong>le</strong>s quand la<br />

femme du fabricant de boul<strong>et</strong>tes accourut.<br />

— Oh ! fit-el<strong>le</strong> hors d’ha<strong>le</strong>ine, je suis si contente que vous ne<br />

soyez pas encore parti ! Vous ne pouvez partir maintenant.<br />

Remontez, je vous en prie. Il se passe une chose affreuse !<br />

<strong>La</strong> voix de la femme tremblait comme si el<strong>le</strong> avait cru qu’un<br />

ogre effroyab<strong>le</strong> allait se j<strong>et</strong>er sur el<strong>le</strong>.<br />

Musashi finit d’attacher ses sanda<strong>le</strong>s, <strong>et</strong> <strong>le</strong>va tranquil<strong>le</strong>ment<br />

la tête.<br />

— Qu’est-ce qui se passe de si terrib<strong>le</strong> ?<br />

— Les prêtres du Hōzōin ont appris que vous partiez<br />

aujourd’hui, <strong>et</strong> plus de dix d’entre eux ont pris <strong>le</strong>ur lance ; ils<br />

vous gu<strong>et</strong>tent dans la plaine de Hannya.<br />

— Vraiment ?<br />

— Oui, <strong>et</strong> l’abbé, Inshun, est avec eux. Mon mari connaît<br />

l’un des prêtres, <strong>et</strong> lui a demandé ce qui se passait. Celui-ci a dit<br />

que l’homme qui séjourne ici depuis quarante-huit heures,<br />

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