14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Sans protester davantage, Otsū fourra la pièce dans son<br />

obi ; puis, <strong>le</strong>vant <strong>le</strong>s yeux vers <strong>le</strong> ciel, el<strong>le</strong> observa :<br />

— Il fait du vent, n’est-ce pas ? Je me demande s’il p<strong>le</strong>uvra<br />

c<strong>et</strong>te nuit. Il n’a pas plu depuis un temps infini.<br />

— Le printemps est presque passé ; aussi, nous allons avoir<br />

une bonne averse. Nous en avons besoin pour emporter toutes<br />

<strong>le</strong>s f<strong>le</strong>urs fanées, sans par<strong>le</strong>r de soulager l’ennui des humains.<br />

— Mais s’il p<strong>le</strong>ut fort, qu’arrivera-t-il à Takezō ?<br />

— Hum... Takezō... répéta <strong>le</strong> moine, rêveur.<br />

A l’instant précis où tous deux se tournaient vers <strong>le</strong><br />

cryptomeria, un appel se fit entendre dans ses branches<br />

supérieures :<br />

— Takuan ! Takuan !<br />

— Quoi ? C’est toi, Takezō ?<br />

Tandis que Takuan essayait de regarder dans l’arbre,<br />

Takezō lâcha un flot d’imprécations :<br />

— Espèce de cochon de moine ! Sa<strong>le</strong> imposteur ! Viens donc<br />

là-dessous ! J’ai deux mots à te dire !<br />

Le vent battait vio<strong>le</strong>mment <strong>le</strong>s branches de l’arbre, <strong>et</strong> la voix<br />

n’arrivait qu’entrecoupée. Des feuil<strong>le</strong>s tourbillonnaient, <strong>et</strong><br />

p<strong>le</strong>uvaient sur la face <strong>le</strong>vée de Takuan.<br />

Le moine éclata de rire.<br />

— Tu es encore p<strong>le</strong>in de vie, à ce que je vois. Parfait ; j’en<br />

suis ravi. J’espère que ce n’est pas seu<strong>le</strong>ment la fausse vitalité<br />

qui vient de la connaissance du fait que tu vas bientôt mourir.<br />

— Ta gueu<strong>le</strong> ! cria Takezō qui n’était point tant p<strong>le</strong>in de vie<br />

que p<strong>le</strong>in de colère. Si j’avais peur de mourir, pourquoi me<br />

serais-je laissé faire quand tu me ligotais ?<br />

— Parce que je suis fort <strong>et</strong> que tu es faib<strong>le</strong> !<br />

— Tu mens, <strong>et</strong> tu <strong>le</strong> sais bien !<br />

— Dans ce cas, je m’exprimerai autrement. Je suis<br />

intelligent, <strong>et</strong> tu es d’une indicib<strong>le</strong> stupidité !<br />

— Peut-être as-tu raison. Il est certain que j’ai été stupide de<br />

te laisser m’attraper.<br />

— Ne te tortil<strong>le</strong> pas comme ça, espèce de singe dans l’arbre !<br />

Ça ne t’avancera à rien, ça te fera saigner s’il te reste la moindre<br />

goutte de sang, <strong>et</strong> franchement c’est fort inconvenant.<br />

— Ecoute, Takuan !<br />

124

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!