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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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lui faire cracher <strong>le</strong> sang ; mais bien sûr il ne pouvait plus agir<br />

ainsi.<br />

En réalité, il avait plus de raisons de la haïr qu’el<strong>le</strong> n’en<br />

avait de <strong>le</strong> détester ; pourtant, il voulait lui montrer que <strong>le</strong>s<br />

sentiments qu’el<strong>le</strong> éprouvait envers lui reposaient sur un affreux<br />

ma<strong>le</strong>ntendu. Il avait la certitude que s’il pouvait seu<strong>le</strong>ment<br />

s’expliquer avec el<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> cesserait de <strong>le</strong> considérer comme son<br />

mortel ennemi. Pourtant, étant donné qu’el<strong>le</strong> nourrissait depuis<br />

tant d’années sa rancune, il y avait peu de chances qu’il parvînt<br />

à la convaincre maintenant, lui exposât-il mil<strong>le</strong> fois l’affaire. Il<br />

n’y avait qu’une solution ; pour entêtée qu’el<strong>le</strong> fût, el<strong>le</strong> croirait<br />

sûrement Matahachi. Si son propre fils lui rapportait ce qui<br />

s’était produit au juste avant <strong>et</strong> après Sekigahara, el<strong>le</strong> ne<br />

pourrait plus considérer Musashi comme un ennemi de la<br />

famil<strong>le</strong> Hon’iden, à plus forte raison comme <strong>le</strong> ravisseur de la<br />

fiancée de son fils.<br />

Musashi s’approchait du pont, situé dans un quartier qui<br />

avait été florissant à la fin du XVII e sièc<strong>le</strong>, alors que la famil<strong>le</strong><br />

Taira se trouvait au faîte de sa fortune. Même après <strong>le</strong>s guerres<br />

du XV e sièc<strong>le</strong>, il était demeuré l’un des plus popu<strong>le</strong>ux de Kyoto.<br />

Le so<strong>le</strong>il commençait juste à atteindre <strong>le</strong>s façades <strong>et</strong> <strong>le</strong>s jardins,<br />

où <strong>le</strong>s traces du minutieux balayage de la veil<strong>le</strong> au soir étaient<br />

encore visib<strong>le</strong>s, bien qu’à c<strong>et</strong>te heure matina<strong>le</strong> aucune porte ne<br />

fût ouverte.<br />

Osugi distinguait dans la boue <strong>le</strong>s empreintes de pas de<br />

Musashi. El<strong>le</strong> méprisait jusqu’à ces empreintes.<br />

Encore cent mètres, puis cinquante.<br />

— Musashi ! cria la vieil<strong>le</strong> femme.<br />

Les poings serrés, <strong>le</strong> cou tendu en avant, el<strong>le</strong> courut vers lui.<br />

— ... Espèce de sa<strong>le</strong> démon ! vociféra-t-el<strong>le</strong>. Tu es sourd ?<br />

Musashi ne se r<strong>et</strong>ourna pas.<br />

Osugi poursuivit sa course. En dépit de son âge, sa<br />

détermination qui défiait la mort conférait à ses pas un rythme<br />

énergique <strong>et</strong> viril. Musashi continuait à lui tourner <strong>le</strong> dos,<br />

cherchant fiévreusement dans sa tête un plan d’action.<br />

Tout à coup, el<strong>le</strong> bondit devant lui en criant :<br />

— ... Arrête !<br />

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