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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Sortant de son hébétude, Akemi <strong>le</strong> remercia, <strong>et</strong> se mit à<br />

arranger sa chevelure <strong>et</strong> son kimono. Mais el<strong>le</strong> scrutait <strong>le</strong>s<br />

ténèbres, autour d’el<strong>le</strong>, avec des yeux encore apeurés.<br />

— Où demeurez-vous ? demanda <strong>le</strong> prêtre.<br />

— Hein ? Où je demeure ... vous vou<strong>le</strong>z dire : où se trouve<br />

ma maison ? fit-el<strong>le</strong> en se couvrant <strong>le</strong> visage de ses mains.<br />

A travers ses sanglots, el<strong>le</strong> essaya de répondre aux questions<br />

du prêtre, mais el<strong>le</strong> se trouva dans l’incapacité d’être sincère<br />

avec lui. Une part de ce qu’el<strong>le</strong> lui dit était véridique – el<strong>le</strong> ne<br />

ressemblait pas à sa mère, sa mère tentait de la vendre, el<strong>le</strong><br />

s’était enfuie de Sumiyoshi –, mais el<strong>le</strong> inventa <strong>le</strong> reste sous<br />

l’impulsion du moment.<br />

— ... J’aimerais mieux mourir que de rentrer à la maison,<br />

gémissait-el<strong>le</strong>. J’en ai tel<strong>le</strong>ment enduré de ma mère ! J’ai été<br />

humiliée de tant de façons ! Pensez donc : même quand j’étais<br />

p<strong>et</strong>ite, je devais al<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong> champ de batail<strong>le</strong> dépouil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s<br />

soldats morts.<br />

El<strong>le</strong> tremblait d’exécration envers sa mère.<br />

Aoki Tanzaemon l’aida à marcher jusqu’à un p<strong>et</strong>it creux où<br />

il faisait calme <strong>et</strong> où <strong>le</strong> vent était moins froid. Comme ils<br />

arrivaient à un p<strong>et</strong>it temp<strong>le</strong> en ruine, il fit un large sourire <strong>et</strong><br />

dit :<br />

— Voilà où j’habite. Ce n’est pas grand-chose, mais ça me<br />

plaît.<br />

Tout en sachant que c’était un peu mal é<strong>le</strong>vé, Akemi ne put<br />

s’empêcher de dire :<br />

— Vous habitez vraiment ici ?<br />

Tanzaemon poussa une gril<strong>le</strong> <strong>et</strong> lui fit signe d’entrer. Akemi<br />

hésita.<br />

— A l’intérieur, il fait plus chaud que vous ne sauriez croire,<br />

dit-il. Pour couvrir <strong>le</strong> sol, je n’ai qu’une mince natte de pail<strong>le</strong>.<br />

Pourtant, cela vaut mieux que rien. Avez-vous peur que je ne<br />

ressemb<strong>le</strong> à la brute de là-bas ?<br />

Akemi secoua la tête en si<strong>le</strong>nce. Tanzaemon ne l’effrayait<br />

pas. El<strong>le</strong> était sûre qu’il s’agissait d’un brave homme, <strong>et</strong> de toute<br />

manière il n’était plus jeune : il avait dépassé la cinquantaine,<br />

supposait-el<strong>le</strong>. Ce qui la r<strong>et</strong>enait, c’était la sal<strong>et</strong>é du p<strong>et</strong>it<br />

temp<strong>le</strong>, ainsi que l’odeur du corps <strong>et</strong> des vêtements de<br />

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