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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Quand ils furent parvenus à parcourir environ un kilomètre<br />

<strong>et</strong> demi, Jōtarō cria : « Musashi ! Sensei ! » <strong>et</strong> continua de crier.<br />

Sa voix forte affermissait <strong>le</strong> courage d’Otsū, mais bientôt ses<br />

forces la trahirent.<br />

— Jō... Jōtarō... murmura-t-el<strong>le</strong> faib<strong>le</strong>ment.<br />

El<strong>le</strong> lâcha <strong>le</strong> bâton <strong>et</strong> se laissa glisser dans l’herbe, au bord<br />

de la route. Face contre terre, el<strong>le</strong> porta à sa bouche ses doigts<br />

délicats. Ses épau<strong>le</strong>s tressaillaient de mouvements convulsifs.<br />

— Otsū ! C’est du sang ! Vous crachez <strong>le</strong> sang ! Oh ! Otsū !<br />

Au bord des larmes, il la prit par la tail<strong>le</strong> <strong>et</strong> la re<strong>le</strong>va. El<strong>le</strong><br />

secoua <strong>le</strong>ntement la tête. Ne sachant que faire d’autre, Jōtarō lui<br />

tapotait <strong>le</strong> dos avec douceur.<br />

— ... Que vou<strong>le</strong>z-vous ? demanda-t-il.<br />

El<strong>le</strong> était incapab<strong>le</strong> de répondre.<br />

— ... Je sais ! De l’eau ! C’est bien ça ?<br />

El<strong>le</strong> acquiesça faib<strong>le</strong>ment de la tête.<br />

— ... Attendez-moi ici. Je vais vous en chercher.<br />

Il se redressa, regarda autour de lui, écouta quelques<br />

instants <strong>et</strong> se rendit à un ravin proche où il entendait cou<strong>le</strong>r de<br />

l’eau. Il n’eut pas grand-peine à trouver une source qui jaillissait<br />

en bouillonnant des rochers. Comme il allait puiser de l’eau<br />

dans ses mains, il hésita, <strong>le</strong>s yeux fixés sur <strong>le</strong>s crabes<br />

minuscu<strong>le</strong>s, au fond du bassin. <strong>La</strong> lune ne brillait pas<br />

directement sur l’eau mais <strong>le</strong> refl<strong>et</strong> du ciel était plus beau que<br />

<strong>le</strong>s nuages d’un blanc d’argent eux-mêmes. Décidant de boire<br />

une gorgée lui-même avant d’accomplir sa tâche, il se déplaça<br />

latéra<strong>le</strong>ment de quelques dizaines de centimètres <strong>et</strong> se mit à<br />

quatre pattes, <strong>le</strong> cou tendu comme celui d’un canard.<br />

Alors, il hoqu<strong>et</strong>a – une apparition ? — <strong>et</strong> son corps se<br />

hérissa comme une châtaigne en sa bogue. Dans <strong>le</strong> p<strong>et</strong>it bassin<br />

se reflétait un motif strié : en face, une demi-douzaine d’arbres.<br />

Juste à côté d’eux, l’image de Musashi. Jōtarō pensa que son<br />

imagination lui jouait des tours, que <strong>le</strong> refl<strong>et</strong> ne tarderait pas à<br />

s’effacer. Comme il ne s’effaçait pas, l’enfant <strong>le</strong>va très <strong>le</strong>ntement<br />

<strong>le</strong>s yeux.<br />

— ... Vous êtes là ! cria-t-il. Vous êtes là vraiment !<br />

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