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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Etant donné que nous nous intéressons tous deux aux secr<strong>et</strong>s<br />

ultimes de la Voie, je crois que nous devrions comparer ce que<br />

nous avons appris, n’est-ce pas ? »<br />

Kitabatake se rendit compte aussitôt des mauvaise<br />

intentions de l’héritier de Bokuden ; pourtant, il accepta vite de<br />

faire une démonstration ; mais Hikoshirō n’eut alors<br />

connaissance que de la forme extérieure de l’Escrime suprême,<br />

<strong>et</strong> non de son plus profond secr<strong>et</strong>. Résultat : Kitabatake resta<br />

l’unique maître du sty<strong>le</strong> Bokuden, <strong>et</strong> pour l’apprendre <strong>le</strong>s élèves<br />

devaient se rendre à Kuwana. Dans l’Est, Hikoshirō transmit<br />

comme authentique ce qui n’était que l’apparence du ta<strong>le</strong>nt de<br />

son père : sa forme sans son cœur.<br />

Du moins, tel<strong>le</strong> était la légende que l’on racontait à tous <strong>le</strong>s<br />

voyageurs qui m<strong>et</strong>taient <strong>le</strong>s pieds dans la région de Kuwana.<br />

Pour une histoire de ce genre el<strong>le</strong> n’était pas fausse : basée sur la<br />

réalité, el<strong>le</strong> était à la fois plus plausib<strong>le</strong> <strong>et</strong> moins insignifiante<br />

que la plupart des innombrab<strong>le</strong>s contes folkloriques racontés<br />

par <strong>le</strong>s gens pour affirmer <strong>le</strong> caractère unique de <strong>le</strong>urs vil<strong>le</strong>s <strong>et</strong><br />

provinces bien-aimées.<br />

Musashi, en descendant <strong>le</strong> mont Tarusaka après avoir quitté<br />

la vil<strong>le</strong>-château de Kuwana, apprit c<strong>et</strong>te histoire de son<br />

pa<strong>le</strong>frenier. Il acquiesça de la tête <strong>et</strong> répondit avec politesse :<br />

— Vraiment ? Comme c’est intéressant !<br />

L’on se trouvait au milieu du dernier mois de l’année ; bien<br />

que <strong>le</strong> climat d’Ise soit relativement doux, il montait de l’anse de<br />

Naki vers <strong>le</strong> col un vent mordant.<br />

Musashi ne portait qu’un mince kimono, un sous-vêtement<br />

de coton <strong>et</strong> un manteau sans manches, vêtement trop léger à<br />

tous égards, <strong>et</strong> de surcroît fort sa<strong>le</strong>. Son visage n’était pas<br />

bronzé mais noirci par <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il. Sur c<strong>et</strong>te tête battue par <strong>le</strong>s<br />

intempéries, son chapeau de vannerie usé, effrangé, paraissait<br />

absurdement superflu. L’eût-il j<strong>et</strong>é <strong>le</strong> long de la route, nul ne se<br />

fût donné la peine de <strong>le</strong> ramasser. Ses cheveux, qu’il n’avait pas<br />

lavés depuis des jours <strong>et</strong> des jours, bien que liés en arrière n’en<br />

étaient pas moins embroussaillés. Ce qu’il avait fait depuis six<br />

mois donnait à sa peau l’aspect d’un cuir bien tanné. Ses yeux<br />

brillaient, d’un blanc de per<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong>ur monture de charbon.<br />

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